Les stratégies des rémunération des dirigeants ont été développées au cours de dernières années. Les fameuses stratégies gagnantes au plan mathématique sont- elles toujours sécurisées ?
Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2013, présentés il y a quelques jours vont provoquer une véritable choc arithmétique et vont conduire à revoir toutes les stratégies jusqu’alors mises en place.
Nous vous proposons sur ces questions une interview de PIERRE YVES LAGARDE, conseil en stratégies de rémunération.
JD Bonjour Pierre-Yves, je te remercie de bien vouloir répondre à ces questions relatives à ce sujet d’actualité brulant.
PYL Bonjour Jacques, je pense que l’adjectif brulant est probablement faible.
JD Faut-il interpeller les stratégies déployées ces dernières années ?
PYL Oui, à l’évidence. Nous connaissions tous le trio gagnant : une rémunération sous statut de non salarié, une faible dose de dividendes et une rémunération différée (retraite par capitalisation et épargne salariale) maximisée. Ces repères de raisonnement viennent d’exploser après les projets de loi de finances et de loi de financement de la Sécurité sociale. Les distributions sont disqualifiées, la rémunération de non salarié alourdie en charges sociales obligatoires et le forfait social pèse gravement sur la rémunération différée. Il fait faire tourner à nouveau les moulinettes de calcul …
JD La fameuse optimisation des rémunérations ?
PYL Tu sais que je n’aime pas la formule. A mon avis, 20 % du sujet c’est l’optimisation économique. Les 80 % restants relèvent de la sécurisation des schémas. Et l’actualité est brulante. Les sociétés de rémunération sont mortes depuis le 14 septembre 2010 et le risque encouru est gigantesque pour ceux qui n’en auraient pas encore conscience.
Les holdings annoncées comme animatrices et traitées comme telles en fiscalité patrimoniale, ISF et transmission, le sont-elles toujours dans la pratique ? Depuis un récent arrêt du Conseil d’état, l’assujettissement des dividendes aux charges sociales guettait toutes les sociétés, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, vient de le confirmer. Ou encore, on peut craindre que certains schémas d’épargne salariale trop « patrimoniaux » ne soient contestés sur le terrain de l’abus.
JD Vois-tu émerger des demandes nouvelles de la part de tes clients ?
PYL Très clairement une réflexion sur la retraite. Ou en suis-je de mes droits probables ? Quels seraient les impacts des différents scénarios de dégradation du rendement des régimes de retraite obligatoires (optimiste, médian et pessimiste) ? Quelle stratégie adopter pour la durée restant avant l’âge du départ en retraite : choix du statut social, retraite par capitalisation privée ou professionnelle, arbitrage entre rémunération et dividendes ou encore cumul emploi retraite ?
JD Nous avons souvent évoqué les opportunités et les limites de la capitalisation au sein d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés. N’as-tu pas l’impression que les chefs d’entreprise sont de plus en plus tentés par cette stratégie ?
PYL Évidemment. C’est la suite logique, quand on considère que la taxation des revenus est devenue confiscatoire. Nous avons un immense travail de conseil auprès de nos clients pour les aider à comparer une stratégie d’épargne à l’IR et une stratégie d’épargne à l’IS. En distinguant bien deux objectifs possibles : le « cash out égoïste » et le « cash out transmissif ». Dans le premier cas, la richesse capitalisée doit in fine revenir à l’entrepreneur. Dans le second, c’est pour les héritiers, totalement ou partiellement.
JD Comment résumes-tu l’état d’esprit actuel de tes clients entrepreneurs ?
PYL Attentistes, tous. Désabusés, voire démotivés, beaucoup. A la fin du mandat présidentiel précédent, nous avions déjà connu un salve nourrie de nouveaux prélèvements (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, hausse des prélèvements sociaux, hausse du prélèvement libératoire). S’ajoute désormais un véritable choc fiscal et social : augmentation de la tranche marginale d’imposition, taxation exceptionnelle de 75 %, explosion du forfait social, augmentation des charges sociales des non salariés, assujettissement des dividendes aux charges sociales, alignement de la taxation des gains du patrimoine (revenus et plus-value) sur celle des revenus du travail, fin des stratégies ISF « d’encapsulement des revenus » …
Il me semble que nous sommes dès lors nombreux à questionner l’intérêt de batailler pour acquérir un bonus, quand sa taxation est jugée confiscatoire. Après tout, les chefs d’entreprise vont peut être adhérer, avec retard mais pour eux-mêmes cette fois, à l’application des 35h, après en avoir tellement subi les désagréments. Tant pis pour la croissance ! Par contre, du point de vue du conseil, c’est bénéfique : la volonté de réviser les dispositifs existants est très forte.
JD Je te remercie, Pierre Yves pour cet éclairage. Nous te retrouverons prochainement, pour une formation d’une journée qui traitera de ces sujets :
A Paris le 27 NOVEMBRE 2012
A Lyon le 15 NOVEMBRE 2012