Le thème de l’immobilier d’entreprise est en permanence au cœur de l’actualité pour les gestionnaires de patrimoine.
De nombreuses opérations portant sur cet actif (dont le taux de rendement brut est en général élevé) qui peuvent être envisagées présentent des avantages juridiques, fiscaux et financiers importants. Encore faut-il qu’elles soient menées dans un cadre sécurisé.
Nous avons demandé à Maître Frédéric Aumont, Notaire à Lyon de faire un point sur ce sujet.
Jacques DUHEM (J.D) : Bonjour Frédéric, je te remercie de bien vouloir répondre à ces quelques questions.
En quoi le sujet de la gestion de l’immobilier d’entreprise est-il aujourd’hui au cœur de l’actualité ?
Frédéric AUMONT (F.A) : Le thème de l’immobilier d’entreprise est un sujet incontournable pour tout conseil qui accompagne ses clients dans une réflexion patrimoniale globale. En effet, à part peut être quelques startups qui peuvent se contenter d’un garage ( !), tout chef d’entreprise a besoin de locaux pour exercer son activité. Et au cours de sa vie professionnelle, il y a de fortes chances que ce chef d’entreprise change ou acquière d’autres locaux pour s’adapter aux besoins de son entreprise. On se rend donc compte que cette thématique est récurrente chez nos clients.
J.D : Quel est le véritable enjeu pour le chef d’entreprise ?
F.A : La détention de locaux pour une entreprise fait partie du prix de revient de son produit ou de sa prestation. Il s’agit donc indirectement d’un élément de la compétitivité de l’entreprise au même titre que les coûts salariaux. Le chef d’entreprise doit donc être attentif au coût de ses locaux. Nous intervenons régulièrement pour accompagner des groupes dans leur réflexion sur le mode de détention de leurs locaux et l’on constate très logiquement que l’objectif premier est de minimiser le coût de détention des locaux. Il y a des ratios dans certains secteurs d’activité où le coût des locaux ne doit pas dépasser un pourcentage du chiffre d’affaires.
J.D : Comment aborder ce sujet avec les clients ?
F.A. : L’objectif est de donner une méthode d’approche pour éclairer utilement les clients.
Nous partons du principe que si aucune piste ne doit être à priori écartée il ne peut pas y avoir un schéma répondant à l’ensemble des problématiques. Comme tout sujet lié au domaine du conseil patrimonial, seul le sur-mesure permettra de répondre de façon pertinente au client.
Partant de ce postulat, il faut, pour chaque client, faire un rapide rappel des différents schémas que l’on peut rencontrer en insistant pour chacun d’eux sur leurs points forts et leurs plus faibles.
Ensuite, il convient d’examiner en détail, d’un point de vue juridique et fiscal, les principaux schémas de détention de locaux professionnels en s’arrêtant plus particulièrement sur les points qui peuvent faire difficulté.
J.D : Peux-tu nous donner quelques illustrations ?
F.A : Le recours à la société civile pour détenir les locaux professionnels et la dissociation mur/activité est souvent présenté comme un postulat de base indépassable. Or nous connaissons les limites de ce schéma notamment lors d’une procédure collective par le biais de l’extension de la procédure. Dans un certain nombre de cas, nous pensons que l’acquisition des locaux avec inscription au bilan de l’entreprise individuelle peut être pertinente. D’une part cela permet d’amortir le bien et de passer en charge tous les travaux. D’autre part, lors de la vente, nous bénéficierons sur la plus-value professionnelle à long terme de l’ancien régime des plus-values immobilières des particuliers (Abattement de 100% dès quinze ans de détention). Ce schéma d’acquisition évite tout frottement fiscal.
Dans un autre domaine, si nous prenons le financement de locaux au travers d’un crédit-bail, qui maitrise réellement les conséquences fiscales de la levée d’option du crédit-bail ? On présente souvent ce mode de financement comme très intéressant. Encore faut-il aller jusqu’au bout du schéma et examiner toutes les incidences. J’ai souvent rencontré des clients qui sont tombés des nues lorsque je leur ai expliqué la fiscalité qu’ils allaient devoir acquitter au moment de la levée d’option.
Il faut également avec le client se poser la question de la vente des locaux. Cela peut paraitre paradoxal mais comme je le disais en préambule, le chef d’entreprise sera probablement amené à changer de locaux. Au moment de la cession, comment celle-ci s’opèrera ? Si je suis dans un schéma trop contraignant (bail à construction, immobilier détenu au bilan de la société d’exploitation, …), la cession risque d’être difficile et les locaux devront peut être être cédés à un coût inférieur à leur valeur vénale.
J.D : Pour être pragmatique, comment rendre clair au client un sujet qui semble technique ?
F.A : Le sujet est indéniablement technique ! Pour cela il faut en revenir aux fondamentaux : après avoir peut être écarté certains schémas d’acquisition et de détention, il faut être en mesure d’établir une étude chiffrée des schémas qui peuvent être retenus. Seule cette étude permettra réellement d’appréhender toutes les dimensions : l’apport personnel qui sera nécessaire, l’impact sur l’entreprise et sur le patrimoine du chef d’entreprise, les conséquences en cas de cession de l’immobilier et ou de l’entreprise et les impacts fiscaux.
J.D : Et le démembrement des locaux professionnels ?
F.A : C’est un mode de détention comme un autre qui présente ses avantages et ses inconvénients !. C’est vrai que ces dernières années il s’est particulièrement développé. Nous l’aborderons au cours de cette journée sous l’angle du démembrement des locaux ou du démembrement des parts sociales.
J.D : Existe-t-il des pistes intéressantes peu explorées par les praticiens ?
F.A : Il est possible d’explorer un mode de détention peu pratiqué : les locaux équipés. Il est possible de faire le parallèle avec la location meublée non professionnelle et s’apercevoir que ce mode de détention peut être très intéressant pour le chef d’entreprise.
J.D : Merci pour cette interview, tu auras l’occasion de développer ces problématiques, dans le cadre d’une formation d’une durée de 7 heures qui sera proposée, à Lyon le 22 Novembre et à Paris le 6 décembre 2012.