Interview de Pierre Yves Lagarde
JACQUES DUHEM (JD) Bonjour Pierre Yves, l’assujettissement des dividendes aux cotisations sociales a fait couler beaucoup d’encre depuis l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
Tu as eu l’occasion de t’exprimer sur le sujet dans ces colonnes…
Sur quelle base calculer les cotisations ? Peux-tu nous rappeler ce que dit la loi…
PIERRE YVES LAGARDE (PYL) C’est l’article L 131-6 du Code de la Sécurité sociale qui détermine l’assiette des charges sociales pour les non salariés et donc y intègre les dividendes, depuis le 1er janvier 2009 pour les SELARL et depuis le 1er janvier 2013 pour les SARL.
L’article L 131-6 du CSS indique, aux termes du 2ème alinéa, que les charges sociales sont dues sur une assiette égale au revenu « retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu ». Le texte prévoit cependant une liste d’exonérations fiscales à réintégrer. Parmi celles-ci, aucune mention de l’abattement de 40 % bénéficiant aux distributions.
L’ajout des dividendes à cette assiette s’opère selon les termes du 3e alinéa de l’article L 131-6, » est également prise en compte, dans les conditions prévues au 2e alinéa « , la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du CGI … qui est supérieure à 10 % du capital social ou des primes d’émission et des sommes versées en compte courant ».
Il me semble donc que l’interprétation littérale du texte conduit à appliquer l’abattement de 40 % pour calculer l’assiette des charges sociales, dès lors :
- que la prise en compte des dividendes est prévue « dans les conditions prévues au 2e alinéa » ;
- que ce 2e alinéa définit l’assiette des charges comme étant égale au revenu » retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu » ;
- que le 2° de l’article 158 du CGI dispose que » les revenus mentionnés au 1° distribués par les sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés … sont réduits, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, d’un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu » ;
- et que le second alinéa de l’article L 131-6 du Code de la Sécurité sociale ne prévoit aucun retraitement visant à réintégrer cet abattement.
JD Dans une circulaire du 28 mars 2013, l’Acoss adopte une solution différente : Pour l’Acoss, c’est le montant des dividendes avant l’abattement fiscal de 40 % qu’il faut prendre en compte dans l’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants exerçant dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés.
Quelle est ton analyse de ce texte ? Ce dernier est-il surprenant ?
PYL Non, il n’est pas surprenant que l’ACOSS ait pris cette position. Elle est logique compte tenu des objectifs qui consistent à assimiler les dividendes à des revenus professionnels – après le seuil des 10 % – et de les assujettir dès lors aux charges sociales.
Pour autant, il peut apparaître difficile de justifier l’interprétation de l’administration en se basant sur la lecture du texte, dans sa version actuelle.
Rappelons que la circulaire est un document administratif par lequel la direction de la sécurité sociale livre son interprétation des textes. Lorsque cette interprétation est favorable, le contribuable peut l’opposer à l’URSSAF. Lorsqu’elle est défavorable, le contribuable peut la conteste en demandant aux tribunaux de trancher.
JD Et quid pour les dividendes versés par les sociétés d’exercice libéral ?
PYL Même problème, même texte de référence et même difficulté à réconcilier l’interprétation de l’administration et le texte.
JD Quelles conclusions pratiques faut-il tirer après la publication de cette circulaire ?
PYL Que la messe n’est pas dite, tant la circulaire diverge du texte ! Quand les enjeux financiers seront faibles, je n’imagine pas que les chefs d’entreprise et leurs conseils auront envie d’instruire un contentieux. Quand les distributions visées seront importantes, la question deviendra plus aigue. Retenons l’hypothèse d’un taux de charges sociales déplafonné de 11,90 % et d’un taux marginal d’imposition de 45 %. Avec une assiette des charges sociales égale à 100 % des dividendes, la taxation globale s’élève à 39,93 %. Si on ne retient que 60 %, la taxation tombe à 34,76 %. Entre les deux, un écart de près de 13 % ! A suivre sur le terrain du contentieux désormais …
Pierre-Yves, je te remercie pour cet éclairage.
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