L’administration fiscale vient de mettre en ligne sur le BOFIP un commentaire qui traite de la distinction entre donation et présent d’usage.
Nous avons demandé à Frédéric AUMONT, notaire, de nous décrypter cette prise de position de l’administration fiscale et de nous éclairer sur les conséquences pour la pratique.
Jacques DUHEM (J.D) : Bonjour Frédéric, peux-tu tout d’abord nous rappeler la distinction entre donation et présent d’usage ?
Frédéric AUMONT (F.A) : Ces deux notions sont définies par le Code civil. La donation, ou autrement appelée libéralité, est « un acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne ». Le Code civil précise que la donation entraine un dépouillement irrévocable en faveur du donataire. On voit qu’il n’y a donation que s’il y a un appauvrissement du donateur et un enrichissement du donataire.
A l’opposé, un présent d’usage doit être causé, c’est-à-dire consenti à l’occasion d’un évènement particulier (réussite à un examen, mariage, étrennes, …).
J.D : Comment sont traités la donation et le présent d’usage lors de la succession de celui qui les a consentis ?
F.A : Comme tu le sais, une donation est toujours prise en compte pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve héréditaire alors qu’à l’opposé, en raison de sa nature, le présent d’usage ne sera pas pris en compte sauf volonté contraire exprimée par celui qui l’a consenti (art. 852, al.1 du C. civ, in fine).
J.D : Donc, si je comprends biens ton analyse, à l’occasion du mariage prochain de ma fille, je pourrai lui offrir l’appartement que j’ai acheté il y a quelques années et qu’elle occupe ?
F.A. : Je ne te savais pas aussi fortuné mon cher Jacques !. En effet, il faut rajouter une notion au présent d’usage c’est que, outre l’évènement qui cause le présent d’usage, celui-ci doit être en relation avec la situation de fortune de celui qui le consent. Cela nous est précisé par l’article 852 deuxième alinéa du Code civil. S’il y a appauvrissement de celui qui consent le présent d’usage, c’est une donation. Je te laisse donc apprécier !
J.D : Comment l’administration fiscale, par nature pragmatique, apprécie-t-elle cette distinction qui me semble assez subtile ?
F.A : Eh bien c’est là qu’intervient toute la puissance de l’analyse de l’administration fiscale dans son instruction publiée au BOFIP.
Pour ne pas trahir la pensée de Bercy, je reprendrais la conclusion de l’instruction pour comprendre la subtilité du raisonnement :
« L’appréciation de la nature d’un don manuel et de son caractère rapportable ou non en fonction de son importance, est une question de fait. La qualification de présent d’usage pour un cadeau consenti résulte donc, au plan civil comme au plan fiscal d’un examen des circonstances concrètes de chaque affaire, incompatible avec l’appréciation de critères normatifs préétablis.
Dès lors, l’administration fiscale ne fixe aucune règle de proportionnalité du présent par rapport à la fortune ou aux revenus du donateur et apprécie au cas par cas la nature du don, en fonction de l’ensemble des circonstances de fait ayant entouré la libéralité, et sous le contrôle souverain des juges du fond »
J.D : Voilà une instruction qui ne fait pas avancer le smilblick !
F.A : Il me semble que de toute façon l’administration ne pouvait pas écrite autre chose … ou si elle pouvait tout simplement s’abstenir de publier cette instruction. En effet, la notion d’appauvrissement qui marque la frontière entre une donation et un présent d’usage est très relative et ne peut s’apprécier qu’au regard de la fortune de celui qui donne ou qui consent le présent d’usage. C’est peut être pour cela que notre ex-ministre du budget n’avait pas déclaré son compte bancaire en Suisse. Il l’avait peut être pris comme un présent d’usage.
J.D : Je reconnais biens ton analyse pertinente car en effet cette instruction est sortie juste avant sa démission !
En tous les cas, merci pour ton analyse et ton éclairage sur cette prise de position de l’administration fiscale qui sera de nature, à n’en pas douter, à rassurer tous nos lecteurs.
F.A : Pour ta fille Jacques, à défaut de lui offrir un appartement à l’occasion de son mariage, tu pourras toujours prendre en charge les frais de la donation qui eux ne sont jamais considérés comme une donation complémentaire d’un point de vue fiscal. L’administration vient de le confirmer récemment dans un autre commentaire publié au bofip.