A l’occasion de récentes mises à jour de sa doctrine, l’administration apporte des précisions utiles relatives à des questions rencontrées fréquemment en pratique :
– Le traitement fiscal d’une donation au profit d’un ex-conjoint ;
– Le paiement fractionné des DMTG lors de l’application de l’article 764 du Code civil ; (Droits viagers sur le logement) ;
– La reconnaissance judiciaire d’un don manuel ;
– La distinction entre don manuel et présents d’usage.
L’ex-conjoint bénéficiaire d’une donation de biens à venir non révoquée est exonéré : BOI-ENR-DMTG-10-20-10, n° 15
À l’occasion de l’actualisation de sa doctrine BOFIP, l’administration fiscale a précisé le 25 mars dernier, le sort fiscal des donations entre époux après dissolution du mariage :
Tout lien étant rompu entre conjoints divorcés, les libéralités accordées à un époux divorcé par son ex-conjoint supportent, quelle que soit la date du testament, le tarif entre personnes non parentes ou, le cas échéant, celui fixé pour le lien de parenté existant en dehors du mariage.
Toutefois, il y a lieu d’appliquer le tarif entre époux aux donations à cause de mort consenties par contrat de mariage et aux donations éventuelles entre époux consenties pendant le mariage, quelque soit le type de divorce prononcé avant ou après le 1er janvier 2005, dès lors qu’elles ont été expressément maintenues au moment du divorce ou qu’elles sont réputées irrévocables.
Remarques :
Les conséquences pratiques de cette réponse sont importantes. En effet, la prise en compte de la rupture du lien conjugal lors du décès provoquerait une taxation à 60, alors que le maintien du tarif entre époux conduit en revanche à une totale.
L’administration revient donc sur ce sujet à sa doctrine antérieure (qui avait mécaniquement disparue avec la mise en place du BOFIP en septembre 2012)
La portée de l’exonération est large : peu importe que la donation ait été consentie par contrat de mariage ou en cours l’union. Peu importe également que la date du divorce (avant ou après le 1er janvier 2005).
Paiement fractionné des droits d’enregistrement : BOI-ENR-DG-50-20-20
L’administration fiscale vient de préciser le champ d’application du paiement fractionné des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière :
Il est souligné que le paiement différé peut bénéficier aux mutations par décès pour lesquelles le conjoint survivant a exercé l’option pour les droits viagers prévus par l’article 764 du code civil dans la limite de la fraction des droits correspondant à la valeur imposable de l’immeuble grevé du droit viager d’habitation.
Code civil, art. 764
Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l’article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l’époque du décès, à titre d’habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu’à son décès, un droit d’habitation et un droit d’usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
La privation de ces droits d’habitation et d’usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier alinéa est sans incidence sur les droits d’usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d’une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres.
Ces droits d’habitation et d’usage s’exercent dans les conditions prévues aux articles 627, 631, 634 et 635.
Le conjoint, les autres héritiers ou l’un d’eux peuvent exiger qu’il soit dressé un inventaire des meubles et un état de l’immeuble soumis aux droits d’usage et d’habitation.
Par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque la situation du conjoint fait que le logement grevé du droit d’habitation n’est plus adapté à ses besoins, le conjoint ou son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d’hébergement
Il résulte des textes civils applicables en la matière que l’option pour ces droits peut s’effectuer dans un délai d’un an à partir du décès.
Néanmoins, la demande de crédit devra être accompagnée des justifications nécessaires pour attester auprès du comptable de la manifestation de la volonté du conjoint survivant d’exercer l’option pour le droit viager si l’exercice de cette option n’est pas énoncé dans la déclaration de succession.
L’article 766 du code civil permet au conjoint successible et aux héritiers, par convention, de convertir les droits d’habitation et d’usage en une rente viagère ou en un capital.
Dans l’hypothèse où les héritiers et le conjoint survivant convertiraient les droits viagers après l’octroi du régime du paiement différé, le paiement des droits pourra être différé au maximum jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la conversion des droits viagers.
Reconnaissance judiciaire d’un don manuel : BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10, § 40, 3 avr. 2013
L’Administration a pris acte de la jurisprudence par laquelle la Cour de cassation a jugé que la reconnaissance judiciaire d’un don manuel peut figurer dans les motifs ou le dispositif du jugement (Cass. com., 12 oct. 2010, n° 09-70.337) et n’implique pas que le juge ait statué explicitement sur l’existence d’un don manuel ou encore qu’il ait statué directement sur l’établissement du lien de droit entre le donateur et le donataire. Il suffit qu’il ait reconnu, à l’occasion de l’instance, l’existence d’une mutation de propriété mobilière réalisée à titre de libéralité (Cass. com., 21 févr. 2012, n° 10-27.914).
Distinction entre don manuels et présents d’usage :
Rescrit n° 2013/05 du 3 avril 2013 qui précise les critères de distinction entre les dons manuels et les présents d’usage. (Ce rescrit a été repris dans le BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10)
Question : La doctrine administrative admet de ne pas opposer aux dons manuels ayant le caractère de présents d’usage les dispositions de l’article 784 du CGI, relatives au rappel des donations. Selon quels critères (en fonction des revenus ou du patrimoine du donateur) l’Administration distingue-t-elle les présents d’usage non soumis au rappel fiscal et donc non taxables, des dons manuels rapportables fiscalement en cas de nouvelle transmission ?
Réponse : En application des dispositions de l’article 784 du CGI, les donations antérieures doivent être déclarées lors de toute transmission à titre gratuit faite entre les mêmes personnes, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit. Ainsi, les dons manuels sont taxables à l’occasion d’une donation postérieure constatée par un acte et intervenue entre les mêmes personnes, ainsi que lors du décès du donateur, si le donataire figure parmi les successibles, à moins qu’ils n’aient déjà supporté l’impôt en application de l’article 757 du CGI (V. BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10, § 240, 3 avr. 2013). Il est toutefois admis de ne pas opposer les dispositions de l’article 784 du CGI aux dons manuels ayant le caractère de présents d’usage au sens de l’article 852 du Code civil. Cet article prévoit que de tels présents ne sont pas rapportés à la succession du donateur, et précise que le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti, et compte tenu de la fortune du disposant.
La jurisprudence civile a défini les présents d’usage comme étant « les cadeaux faits à l’occasion de certains événements, conformément à un usage, et n’excédant pas une certaine valeur » (Cass. 1re civ., 6 déc. 1988, n° 87-15.083)
Ainsi, l’appréciation de la nature d’un don manuel et de son caractère rapportable ou non en fonction de son importance, est une question de fait. La qualification de présent d’usage pour un cadeau consenti résulte donc, au plan civil comme au plan fiscal, d’un examen des circonstances concrètes de chaque affaire, incompatible avec l’application de critères normatifs préétablis.
Dès lors, l’administration fiscale ne fixe aucune règle de proportionnalité du présent par rapport à la fortune ou aux revenus du donateur et apprécie au cas par cas la nature du don, en fonction de l’ensemble des circonstances de fait ayant entouré la libéralité, et sous le contrôle souverain des juges du fond.
Remarque:
Il s’agit manifestement d’une non-réponse de la part de Bercy, qui se réserve le droit de statuer au cas par cas. Une fois de plus, il faudra compter sur le juge pour préciser les contours de cette notion.
Sur cette question, nous vous renvoyons à la newsletter 13 89 du 18 avril 2013, contenant une interview de Me Frédéric Aumont, Notaire.