Les détenteurs de titres de sociétés qualifiés de biens professionnels, bénéficient pour la valeur de ces derniers d’une exonération totale d’ISF. Les personnes ne pouvant prétendre à cette exonération totale peuvent, sous conditions, prétendre à un lot de consolation substantiel : Une exonération des ¾ de la valeur par le biais de la mise en place d’un pacte Dutreil.
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En effet, la loi pour l’initiative économique (n° 2003-721 du 1er août 2003), a transposé en matière d’ISF, le mécanisme du pacte Dutreil qui existait antérieurement pour les donations et successions.
Ce dispositif initial a fait l’objet de nombreuses modifications législatives:
– La loi de finances pour 2006 a aménagé le dispositif en portant le taux de l’exonération partielle de 50 % à 75 % ;
– La loi de finances rectificative pour 2006 a autorisé, sous certaines conditions, les opérations de restructuration des sociétés interposées.
– La loi de finances pour 2008 a réduit la durée minimale de l’engagement collectif de six à deux ans et a limité aux cinq années qui suivent la date de conclusion de l’engagement collectif, la durée durant laquelle un des associés doit exercer une fonction de direction. En contrepartie de la réduction de la durée de l’engagement collectif de conservation, une obligation de conservation individuelle a été instaurée à compter de l’expiration de l’engagement collectif, le délai global de conservation des titres devant être d’au moins six ans.
– La loi de finances rectificative pour 2007 a autorisé les associés d’une société qui détient des parts ou actions faisant l’objet d’un engagement de conservation ou une participation dans une société qui détient de tels titres à se céder ou se donner des titres, sans remise en cause de l’exonération partielle prévue à l’article 885 I bis du CGI.
– Enfin, la première loi de finances rectificative pour 2011 (n° 2011-900 du 29 juillet 2011) a assoupli le régime fiscal de l’article 885 I bis, d’une part, en permettant à des associés d’adhérer à des pactes déjà conclus, d’autre part, en prévoyant, sous certaines conditions, la non-remise en cause des avantages fiscaux en cas de cession de titres pendant la durée de l’engagement collectif.
L’administration vient de mettre à jour sa doctrine sur le sujet en publiant un BOFiP (BOI-PAT-ISF-30-40-60-20-20130522)
Avant d’effectuer la synthèse de ce BOFiP, rappelons le mécanisme général du Dutreil ISF
I Economie générale du régime Dutreil ISF
L’exonération partielle est applicable aux parts ou actions de sociétés (quel que soit leur régime fiscal) qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sous réserve, bien entendu, qu’elles aient fait l’objet d’un engagement collectif de conservation .
Le dispositif est également applicable aux droits sociaux détenus par le redevable dans une société détenant, directement (simple niveau d’interposition) ou indirectement par l’intermédiaire d’une autre société (double niveau d’interposition), une participation dans la société dont les titres font l’objet de l’engagement collectif de conservation.
Cette exonération partielle est liée à la souscription d’un engagement collectif suivie d’une obligation individuelle de conservation des titres.
L’engagement collectif est pris par le redevable, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés, ces derniers pouvant être des personnes physiques ou des personnes morales. Cet engagement collectif de conservation des titres doit porter sur au moins :
– 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s’ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé (sociétés cotées),
– 34 % des parts ou actions de la société dans le cas contraire (sociétés non cotées).
L’un des associés signataires de l’engagement collectif doit exercer dans la société :
– si l’engagement porte sur des titres d’une société de personnes soumise à l’impôt sur le revenu, son activité professionnelle principale ;
– s’il porte sur des titres d’une société soumise à l’IS, une fonctions de direction.
L’engagement collectif est pris pour une durée minimale de deux ans commençant à courir à compter de l’enregistrement de l’acte s’il s’agit d’un acte sous seing privé ou à compter de la date de l’acte s’il s’agit d’un acte authentique. Les signataires peuvent demander le bénéfice de l’exonération partielle à compter de l’année suivante.
Au-delà du délai de deux ans (quelle que soit la durée de l’engagement collectif), le bénéfice de l’exonération partielle est subordonné pour le redevable à la condition qu’il conserve ses titres.
L’exonération n’est toutefois acquise qu’au terme d’un délai global de six ans, la cession durant cette période des titres entraînant la remise en cause des exonérations pour le passé ;
Au-delà du délai de six ans, l’exonération partielle continue à s’appliquer tant que le redevable conserve ses titres ;
Le non-respect de l’engagement collectif de conservation des titres (caractère collectif et seuil minimal de participation) conduit en principe à la remise en cause de l’exonération partielle à l’égard de tous les signataires.
En cas de cession de titres, les signataires autres que le cédant échappent à la remise en cause (pour le passé et pour l’avenir) s’ils conservent leurs titres jusqu’au terme initialement prévu et que les seuils de 20 % ou 34 % restent atteints. Il en va de même si le cessionnaire s’associe à l’engagement à raison des titres cédés afin que le seuil de 20 % ou 34 % demeure respecté, sous réserve que l’engagement soit reconduit pour une durée minimale de deux ans.
La remise en cause de l’exonération partielle est aussi appliquée lorsque la condition liée à la présence d’un dirigeant pendant cinq ans n’est pas respectée.
Les deux schémas qui figurent ci-dessous résument les obligations et durées d’engagement, ainsi que les cas de remise en cause du régime. (Pour ces schémas, voir la version PDF)
II Précisions apportées par l’administration
L’administration a commenté d’une part la portée de la mesure et d’autre part, les conséquences des mutations portant sur des titres objets d’un engagement de conservation.
A Portée de l’exonération
L’engagement collectif de conservation est opposable à l’administration à compter de la date de son enregistrement. Les signataires peuvent donc en pratique bénéficier de l’exonération partielle à compter de l’année suivant celle de l’enregistrement de cet engagement.
1 Cas particulier des titres de sociétés interposées
L’’exonération partielle est applicable aux titres d’une société qui possède directement des parts ou actions objets d’un engagement de conservation auquel elle a souscrit (simple niveau d’interposition).
Cet article prévoit également que l’exonération partielle est applicable aux titres d’une société qui possède une participation dans une société qui a souscrit un engagement de conservation (double niveau d’interposition).
a. Application de l’exonération aux titres d’une société signataire d’un engagement : hypothèse d’un simple niveau d’interposition
La valeur des titres d’une société interposée entre le redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune et la société dont les parts ou actions font l’objet d’un engagement de conservation bénéficie de l’exonération partielle à proportion de la valeur réelle de l’actif brut de la société interposée qui correspond à la participation soumise à l’engagement.
La fraction de la valeur des titres de la société interposée qui est susceptible de bénéficier de l’exonération partielle d’impôt de solidarité sur la fortune, s’obtient par la formule suivante :
Valeur des titres de la société interposée x (Valeur de la participation soumise à l’engagement collectif de conservation / Valeur de l’actif brut de la société interposée).
b. Application de l’exonération aux titres d’une société non-signataire d’un engagement : hypothèse d’un double niveau d’interposition.
La valeur des titres d’une société, détenus directement par un redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune, bénéficie de l’exonération partielle lorsque cette société possède directement des titres d’une société signataire d’un engagement de conservation.
L’exonération partielle s’applique alors à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte qui a fait l’objet d’un engagement de conservation.
La fraction de la valeur des titres de cette société qui est susceptible de bénéficier de l’exonération partielle d’impôt de solidarité sur la fortune, s’obtient de la manière suivante :
Dans un premier temps, il convient de déterminer la valeur de la participation indirecte qui a fait l’objet d’un engagement de conservation.
Cette valeur se calcule ainsi :
Valeur de la participation, que possède la société dont les titres sont détenus directement par le redevable à l’impôt de solidarité sur la fortune, dans la société signataire de l’engagement x (Valeur de la participation soumise à l’engagement collectif de conservation / Valeur de la participation soumise à l’engagement collectif de conservation)
Dans un second temps, la valeur de la participation indirecte qui a fait l’objet d’un engagement de conservation permet de déterminer la fraction de la valeur des titres à laquelle s’applique l’exonération partielle :
Valeur des titres détenus directement par le redevable dans la société qui détient une participation dans la société signataire de l’engagement x (Valeur de la participation indirecte ayant fait l’objet d’un engagement de conservation / Valeur de l’actif brut de la société qui détient une participation dans la société signataire de l’engagement).
2 Sort des dettes
Lorsque l’exonération du bien auquel la dette se rapporte est partielle, la dette est déductible de l’actif brut dans les mêmes proportions que la valeur soumise à l’impôt.
Les dettes contractées pour l’acquisition de titres objets d’un engagement collectif de conservation, exonérés à ce titre pour une fraction seulement de leur valeur, sont déductibles de l’actif pour la même proportion. (soit un quart)
B Conséquences de la cession ultérieure des titres.
Il convient de distinguer selon que la cession a lieu durant la période de l’engagement collectif ou de celle de l’engagement individuel.
1. Cession durant l’engagement collectif de conservation
a. Conséquences pour le cédant personne physique
La cession de parts ou actions soumises à un engagement de conservation à une personne autre qu’un associé signataire de l’engagement entraîne la remise en cause de l’exonération partielle dont ont bénéficié tous les titres du cédant, et non seulement ceux ayant fait l’objet de la cession.
Dès lors, le cédant doit acquitter le complément d’impôt dû au titre des années antérieures et de l’année de cession à raison desquelles il a bénéficié de l’exonération partielle. Ces compléments d’impôt sont assortis de l’intérêt de retard.
b. Conséquences pour les autres signataires
1° Les seuils minima de 20% ou 34% sont respectés
L’exonération partielle n’est pas remise en cause et continue à s’appliquer pour l’avenir aux autres signataires s’ils conservent leurs titres jusqu’au terme de l’engagement et dans la mesure où les seuils minima de 20% ou de 34% continuent d’être collectivement respectés.
2° Les seuils minima de 20% ou 34% ne sont plus respectés
Si, à l’issue de la cession par un signataire à un tiers, les autres signataires de l’engagement ne respectent pas les seuils minima de 20% ou 34%, l’exonération partielle dont ceux-ci ont pu bénéficier est en principe remise en cause.
L’exonération partielle est remise en cause pour tous les signataires pour le passé et l’année en cours, si la cession a eu lieu dans les deux ans de la conclusion de l’engagement collectif de conservation.
Toutefois, le bénéfice de l’exonération partielle n’est pas remis en cause, lorsque cette cession a lieu après le délai minimal de deux ans et que les autres signataires respectent l’obligation de conservation individuelle prévue au c de l’article précité.
En outre,la première loi de finances rectificative pour 2011 a prévu que le bénéfice de l’exonération partielle n’est pas remis en cause si d’une part, le cessionnaire s’associe à l’engagement collectif à raison des titres cédés afin que les seuils minima, de 20% ou 34% de titres, demeure respecté, et si d’autre part, l’engagement collectif est reconduit pour une durée minimale de deux ans.
L’administration souligne que les assouplissements apportés par l’article 12 de la loi de finances rectificative pour 2011 s’appliquent à compter du 31 juillet 2011.
2. Cession durant l’engagement individuel de conservation
La cession des parts ou actions soumis à l’obligation de conservation individuelle entraîne la remise en cause de l’exonération partielle dont ont bénéficié tous les titres du cédant, et non seulement ceux ayant fait l’objet de la cession.
3. Conséquences du non-respect des conditions relatives à la conservation des titres au-delà du délai global de six ans
Au-delà de la durée globale de conservation de six ans, seule est susceptible d’être remise en cause l’exonération partielle accordée au titre de la période d’un an en cours lors du non-respect des conditions relatives à la conservation des titres.
Toutefois, dès lors qu’un signataire du pacte cède un seul de ses titres, il perd le bénéfice de l’exonération partielle d’ISF, au titre de l’année en cours, et cela pour la totalité des titres détenus inclus dans le pacte, y compris donc pour les titres qu’il a conservés. En conséquence, pour l’avenir, l’exonération partielle d’ISF ne pourra s’appliquer que si un nouvel engagement collectif de conservation est souscrit dans les conditions de droit commun.
C Absence d’exercice d’une fonction de direction au sein de la société par l’un des signataires de l’engagement
En cas de non-respect de la condition relative à l’exercice d’une fonction de direction au sein de la société dont les titres font l’objet d’un engagement de conservation par l’un des associés signataires, l’exonération partielle d’impôt de solidarité sur la fortune est remise en cause pour l’ensemble des redevables bénéficiant de l’exonération partielle.