Après 5 mois d’existence, le dispositif Duflot n’a encore trouvé le succès escompté par ses instigateurs. Des études récemment publiées apportent des commentaires sur la rentabilité du système ou son coût pour les finances publiques. Malgré des taux de rendement affichés, qui sont relativement élevés, la sauce ne prend pas….
Il y a certainement une ou plusieurs explications. Nous avons demandé à STEPHANE PILLEYRE de nous analyser la situation.
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I Les effets du plafonnement des niches fiscales
L’un des premiers freins à ce dispositif réside dans l’existence du plafonnement des niches fiscales. En effet, ce type d’investissement locatif concerne en priorité des contribuables payant suffisamment d’impôt et ayant la capacité de contracter un emprunt de plusieurs centaines de milliers d’euros. Ces contribuables, à la recherche d’une opportunité fiscale, ont très généralement un employé à domicile et/ou des enfants confiés à un(e) assistant(e) maternel(le). Ces deux dispositifs peuvent générer jusqu’à 7 500 € de crédit d’impôt pour le premier et 1 150 € par enfant pour le second.
N’oublions pas que rentrent également dans le plafonnement des niches fiscales, les travaux sur l’habitation principale.
Etant donné que pour 2013, le plafond des niches fiscales s’élève à 10 000 € (hors Sofica et Outre Mer), le disponible, après imputation de ces trois crédits d’impôt (et sans tenir compte des autres avantages entrant dans le PNF), risque d’être faible voire nul.
A quoi bon investir dans un produit de défiscalisation pour se voir remettre en cause l’avantage fiscal en raison du plafonnement des niches fiscales !
II L’absence de commentaires administratifs
Au-delà même du plafonnement des niches fiscales, un autre élément joue contre le dispositif Duflot: l’absence de commentaires de l’Administration fiscale.
Cette carence n’est pas propre au dispositif Duflot. En effet, aucun commentaire n’a été publié dans le BOFiP (Bulletin Officiel des Finances Publiques) s’agissant de la loi de finances pour 2013 et la loi de finances rectificative pour 2012, à l’exception du nouveau barème de l’impôt sur le revenu (document daté du 27 mars 2013).
Cette absence de commentaire officiel est un facteur important du peu d’engouement pour ce dispositif. Pour mémoire, le dispositif Scellier codifié sous l’article 199 septvicies du CGI avait fait l’objet de 3 commentaires successifs au travers d’instructions fiscales, le tout représentant 197 pages apportant beaucoup plus d’informations (ou détails) que le CGI et les décrets.
Aussi nous vous proposons de faire une synthèse de la majeure partie des zones d’ombre relatives au dispositif Duflot.
III Quelles sont les zones d’ombres ?
A Les différents type d’acquisition
Pour les investissements réalisés du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016, la réduction d’impôt s’applique aux :
- Acquisitions de logement que le contribuable fait construire et qui fait l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016 ;
- Acquisitions de logement que le contribuable acquiert entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016 et qui fait ou qui a fait l’objet de travaux concourant à la production ou à la livraison d’un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l’article 257 ;
- Acquisitions de logement qui ne satisfait pas aux caractéristiques de décence, prévues à l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, que le contribuable acquiert entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016 et qui fait ou qui a fait l’objet de travaux de réhabilitation, définis par décret, permettant au logement d’acquérir des performances techniques voisines de celles d’un logement neuf ;
- Acquisitions de local affecté à un usage autre que l’habitation que le contribuable acquiert entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016 et qui fait ou qui a fait l’objet de travaux de transformation en logement.
Il n’est pas apporté de précisions quant à chacune de ces acquisitions, et plus particulièrement les immeubles réhabilités, réaffectés.
B Investissement en SCPI
Sur cette question, beaucoup de questions restent sans réponse :
- Il n’est pas précisé si les souscriptions de parts de SCPI doivent être annuelles, c’est à dire qu’elles ne peuvent excéder une période de douze mois.
- Le CGI ne précise pas si les parts de SCPI peuvent être souscrites par l’intermédiaire d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés autre qu’une SCPI.
- Il n’est pas précisé si la souscription de parts acquises en indivision ne fait pas obstacle à l’application de la réduction d’impôt.
- Il n’est pas précisé si les plafonds de prix de revient par mètre carré de surface habitable mentionnés s’appliquent aux souscriptions de parts de SCPI.
- Acquisition d’un logement et souscription de parts de SCPI au titre d’une même année : Il n’est pas précisé si au titre d’une même année d’imposition, un contribuable acquiert un logement et souscrit des parts de SCPI ouvrant droit à la réduction d’impôt, le montant des dépenses retenu pour la détermination de l’avantage fiscal ne peut excéder globalement 300 000 euros.
C Conditions relatives au logement
- Il n’est pas précisé si la circonstance que le logement constitue également le domicile commercial de l’entreprise du locataire n’est pas de nature à faire obstacle à l’application de l’avantage fiscal, dès lors que ce logement est totalement affecté à usage d’habitation.
- Les locaux à usage mixte ne peuvent en principe ouvrir droit au bénéfice l’avantage fiscal. La tolérance du dispositif Scellier n’est pas reprise pour l’instant, il était admis que la partie du logement louée à usage d’habitation ouvre droit à la réduction d’impôt si le local est affecté à l’habitation pour les trois quarts au moins de sa superficie.
D Instauration d’un quota de logements éligibles au dispositif Duflot
Au sein d’un même immeuble neuf comportant au moins cinq logements, un pourcentage des logements doit être acquis sans pouvoir ouvrir droit au bénéfice de la réduction d’impôt prévue au présent article. Un décret fixe ce pourcentage, qui ne peut être inférieur à 20 %. Le respect de cette limite s’apprécie à la date de la signature de l’acte authentique d’acquisition du dernier logement acquis.
- Quid de l’investisseur n’ayant pas mentionné son intention de bénéficier du dispositif Duflot dans l’acte d’acquisition ? Pourra-t-il quand même bénéficier de la réduction d’impôt s’il change d’avis lors de la livraison du bien ? Le promoteur risquera-t-il l’amende de 18 000 € par logement hors quota si l’investisseur ne respecte pas son engagement ?
E Engagement de location
Lorsque l’investissement porte sur l’acquisition ou la construction d’un logement, le bénéfice de la réduction d’impôt est subordonné à l’engagement du propriétaire de louer le logement nu pendant une durée minimale de neuf ans à usage d’habitation principale du locataire, en respectant certains plafonds de loyers.
Lorsque l’investissement porte sur la souscription de parts de SCPI, la société doit prendre l’engagement de louer, dans les mêmes conditions, les logements financés au moyen de cette souscription.
- L’article 199 novovicies ne précise pas le contenu de l’engagement de location, mais on peut escompter qu’il doit prévoir que le montant du loyer ne peut pas excéder des plafonds fixés par décret qui varient en fonction de la date de réalisation de l’investissement, du lieu de situation du logement et du secteur dans lequel le bien concerné est donné en location.
- Les modalités de dépôt de l’engagement ne sont pas précisées. Toutefois, il est fort probable que l’engagement soit constaté :
– lorsque le propriétaire est une personne physique, lors du dépôt de la déclaration d’ensemble des revenus de l’année au titre de laquelle le fait générateur de la réduction d’impôt est intervenu (voir BOI-IR-RICI-230-30-10, n°1) ;
– lorsque le propriétaire est une société non soumise à l’impôt sur les sociétés autre qu’une SCPI, lors du dépôt de la déclaration des résultats de l’année au titre de laquelle le fait générateur de la réduction d’impôt est intervenu (voir BOI-IR-RICI-230-30-10, n°1) ;
– lorsque le propriétaire est une SCPI, sur l’attestation annuelle (voir BOI-IR-RICI-230-50, n° 210) lors du dépôt de la déclaration de résultats de l’année au titre de laquelle ont été réalisées les souscriptions.
F Conditions de mise en location
Il n’est pas précisé si la réduction d’impôt est également accordée dans le cas où la location est consentie à un organisme public ou privé à la condition que cet organisme donne le logement en sous-location nue à usage d’habitation principale et qu’il ne fournisse aucune prestation hôtelière ou para-hôtelière.
G Qualité du locataire
Lorsque le logement est la propriété d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, le titulaire du bail doit être une personne physique autre que l’un des associés de cette société ou qu’un membre du foyer fiscal des associés.
Il n’est pas précisé s ‘il est admis que la location par la société à l’une de ces personnes n’entraîne la reprise de la réduction d’impôt qu’à l’égard du seul associé concerné.
H Plafonnement de loyers dans le secteur libre
Pendant toute la période couverte par l’engagement de location, le loyer mensuel par mètre carré ne doit pas excéder certains plafonds fixés par décret.
En cas de locations d’emplacement de stationnement ou de garages, il n’est pas précisé si en cas de bail unique, le respect de la condition de loyer s’apprécie en tenant compte de la totalité du loyer demandé, sans qu’il soit possible de faire abstraction d’une fraction de loyer correspondant à la location du garage ou de l’emplacement de stationnement.
I Base de la réduction d’impôt
Lorsque l’investissement porte sur deux logements, la base de la réduction d’impôt est constituée par le prix d’acquisition ou de revient global du logement. La base ainsi déterminée ne peut toutefois pas excéder la somme de 300 000 euros par an.
- Il n’y a aucune précision quant aux dépendances immédiates et nécessaires ou aux garages et emplacements de stationnement.
- Acquisition par une société non soumise à l’impôt sur les sociétés autre qu’une SCPI : lorsque le logement est la propriété d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés autre qu’une SCPI, i n’est pas précisé si le contribuable bénéficie de la réduction d’impôt dans la limite de la quote-part du prix de revient correspondant à ses droits sur le logement concerné.
- Acquisition en indivision : Lorsque le logement est détenu en indivision, il n’est pas précisé si chaque indivisaire bénéficie de la réduction d’impôt dans la limite de la quote-part du prix de revient de ce logement correspondant à ses droits dans l’indivision.
- Acquisition par deux concubins qui se marient ou se pacsent par la suite : Nous ne disposons d’aucun commentaire sur la gestion d’investissements réalisés par deux concubins, donc deux foyers fiscaux distincts, qui se marient ou se pacsent par la suite. Etant donné qu’il n’y a qu’un seul foyer fiscal, les avantages fiscaux se cumulent-ils même s’il y a plus de deux logements dans ce nouveau foyer et un investissement global supérieur à 300 000 € ?
J Modalité d’imputation de la réduction d’impôt
La réduction d’impôt est répartie sur neuf années. Elle est accordée au titre de l’année de la souscription et imputée sur l’impôt dû au titre de cette même année, puis sur l’impôt dû au titre de chacune des huit années suivantes à raison d’un neuvième de son montant total au titre de chacune de ces années.
Rien n’est précisé dans l’article 199 novovicies, lorsque la fraction de la réduction d’impôt imputable au titre d’une année d’imposition excède l’impôt dû par le contribuable au titre de cette même année. le solde ne peut pas être imputé sur l’impôt sur le revenu dû au titre des années suivantes jusqu’à la sixième année inclusivement même si l’immeuble est maintenu à la location pendant lesdites années.
K Articulation avec l’application du régime « micro-foncier »
Le régime d’imposition simplifié prévu à l’article 32 du CGI s’applique de plein droit lorsque le revenu brut foncier total du contribuable n’excède pas 15 000 euros au titre de l’année d’imposition.
Il n’est pas précisé si la circonstance que le contribuable bénéficie de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 novovicies du CGI ne fait pas obstacle à l’application de ce régime.
IV Remise en cause de l’avantage fiscal
La réduction d’impôt obtenue fait l’objet d’une reprise au titre de l’année au cours de laquelle intervient :
1° La rupture de l’un des engagements de location ;
2° Le démembrement du droit de propriété de l’immeuble concerné ou des parts. Toutefois, aucune remise en cause n’est effectuée lorsque le démembrement de ce droit ou le transfert de la propriété du bien résulte du décès de l’un des membres du couple soumis à imposition commune et que le conjoint survivant attributaire du bien ou titulaire de son usufruit s’engage à respecter les engagements prévus au I et, le cas échéant, au VIII, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, pour la période restant à courir à la date du décès.
Aucune reprise n’est effectuée en cas d’invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, de licenciement ou de décès du contribuable ou de l’un des membres du couple soumis à imposition commune.
D’autres cas de remise en cause sont possibles et non clairement annoncés par le CGI
- Le non respect du niveau de performance énergétique des logements (« bâtiment basse consommation d’énergie, BBC 2005 », « Réglementation thermique 2012 », « haute performance énergétique rénovation, HPE rénovation 2009 », « bâtiment basse consommation énergétique rénovation, BBC rénovation 2009 »)
- Le non respect du délai de livraison : l’achèvement de la construction doit intervenir au plus tard 30 mois à compter de la date de la déclaration d’ouverture de chantier ; en cas de travaux, l’achèvement de ces dernier doit intervenir au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’acquisition.
Il conviendra d’être prudent lors de la signature de l’acte authentique et veiller à ce que la vente soit soumise à la condition que ces deux points soient respectés au jour de la livraison du logement.
Quid en cas de séparation du couple ayant fait un investissement en commun
Un dernier point n’est pas traité pour l’instant: la séparation ou le divorce d’un couple soumis à imposition commun et ayant réalisé un investissement en commun. Le dispositif Scellier prévoit la possibilité pour l’époux (ou partenaire) du bien de bénéficier de la reprise du dispositif à son profit. On ne peut qu’escompter le même traitement dans le cadre du dispositif Duflot.
En conclusion
Le dispositif Duflot présente un certain nombre de points d’ombre qui nécessite des éclaircissements rapides de la part de l’Administration, voire quelques (substantiels) réaménagements.
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INVESTISSEMENT IMMOBILIER LOCATIF : ENFER OU PARADIS FISCAL ?
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