ANALYSE PAR PIERRE YVES LAGARDE
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La mise en ligne du BOFIP réactive nos inquiétudes
Comment faut-il calculer la cotisation facultative de retraite fiscalement déductible, pour le gérant majoritaire d’une SARL soumise à l’impôt sur les sociétés ? Une question aussi primaire ne devrait poser aucune difficulté. Elle nous confronte pourtant à l’insécurité fiscale, depuis le 1er janvier 2004, premier exercice d’application de la réforme Fillon. Nous pensions le risque diminué, après quelques rescrits, non publiés mais rassurants, intervenus en 2009 et 2010. Mais, le 12 septembre 2012, la mise en ligne du BOFIP nous a brutalement renvoyé vers les territoires inconfortables du doute.
Présentation de la problématique
Considérons un gérant majoritaire percevant une rémunération annuelle nette de charges sociales égale à 100.000 €, générant un revenu brut imposable de 103.000 €. La société dont il est l’actionnaire unique enregistre un bénéfice imposable de 50.000 €. Quelle est l’assiette de calcul de la cotisation déductible : 100.000, 103.000 ou 50.000 ? En pratique, les professionnels de l’assurance optent généralement pour la rémunération du gérant, sans doctrine très tranchée entre le net social, le brut imposable ou le net imposable. Le Code général des impôts ne leur donne pas raison : il désigne le bénéfice imposable.
Le texte de référence : l’article 154 bis du CGI
Le texte ne s’adresse qu’aux titulaires de bénéfices industriels et commerciaux ou de bénéfices non commerciaux. La cotisation déductible est égale à 10 % de la fraction du bénéfice imposable, retenu dans la limite du plafond annuel de sécurité sociale, auxquels s’ajoutent 25 % supplémentaires, sur la fraction de ce bénéfice comprise entre une fois et huit fois le plafond précité. Cette règle s’adapte aussi bien aux exploitants individuels qu’aux associés des sociétés de personnes car, dans les deux cas, le bénéfice professionnel imposable, bénéfice direct ou fraction du bénéfice de la société correspondant aux droits de l’intéressé, donne la mesure de la rémunération. Le cas du gérant majoritaire n’est pas traité. Faut-il dès lors retenir comme assiette de calcul de la cotisation déductible le bénéfice de la société ou la rémunération du gérant ?
Enjeux de la problématique
Si on retient l’interprétation littérale de l’article 154 bis du CGI, on calcule la cotisation déductible en retenant comme assiette le bénéfice imposable de la société, majoré des éventuelles cotisations de retraite facultatives ayant diminué ce résultat.
Exemple :
Rémunération imposable du gérant : 100.000
Le gérant veut cotiser au maximum de la prime déductible, pour un calcul basé sur la rémunération imposable : ce maximum serait alors égal à 19.445[1]
Bénéfice imposable de la société, après imputation de la cotisation de retraite facultative de 19.445 : 50.000
Assiette de calcul si on retient le bénéfice : 69.445
Plafond de la cotisation maximale déductible, pour un calcul basé sur le bénéfice : 11.806[2]
Déduction contestable : 7.639(19.445 – 11.806)
Le BOFIP confirme l’interprétation littérale de l’article 154 bis (BOI-RSA-GER-20-20120912)
Le BOFIP nous rappelle d’abord le principe de déductibilité du 154 bis pour le gérant majoritaire : « le montant imposable des rémunérations perçues par les gérants et associés de certaines sociétés est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l’article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires. »
Mais il n’opère pas de distinction sur les modalités pratiques de déduction, entre le gérant majoritaire (pour lequel on retiendrait la rémunération comme assiette de calcul) et les BIC/BNC (pour lesquels on retiendrait le bénéfice).
Ainsi le BOPIP indique que « Les cotisations et primes mentionnées à l’article 154 bis du CGI sont déductibles dans les mêmes conditions et limites annuelles que celles fixées pour les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou de bénéfices non commerciaux (BNC). Il convient donc de se reporter aux commentaires figurant aux séries BIC/IS et BNC. »
Et bien entendu les séries BIC (BOI-BIC-CHG-40-50-30-20120912) et BNC ne font référence qu’au bénéfice, ce qui est ici logique : « Les cotisations facultatives dues au titre d’un contrat d’assurance de groupe défini par les articles L 141-1 et suiv. du code des assurances ou au titre des régimes facultatifs mis en place par les caisses de sécurité sociale demeurent déductibles dans la limite de nouveaux plafonds fixés en fonction du bénéfice imposable ou de planchers de déduction. Ces nouvelles modalités de déduction s’appliquent également aux dirigeants non-salariés imposés selon l’article 62 du CGI. »
Entre la sécurité du BOFIP et l’incongruité de l’interprétation littérale du 154 bis
Il nous semblerait logique de retenir comme assiette de calcul la rémunération du gérant. Pour autant, et même si l’administration décidait de réhabiliter ses rescrits antérieurs au 12 septembre 2012, elle ne devrait pour autant pas nuire à ceux des contribuables concernés qui, comme les y invitait la lettre du texte, ont proportionné leurs cotisations au résultat fiscal de leur société et se trouveraient mis en défaut si l’on devait reconsidérer leur situation en fonction du montant de leurs rémunérations. Décidemment, le choc de simplification tarde à se laisser apercevoir …
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