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ANALYSE PAR JACQUES DUHEM
Conseil d’État N° 361967
8ème et 3ème sous-sections réunies
Lecture du vendredi 12 février 2014
Quels étaient les faits ?
Une personne physique a créé une fondation reconnue d’utilité publique. Puis, par un acte notarié elle a fait donation, en 2004, à cette dernière du droit aux dividendes attachés aux actions détenues dans une société pour une durée de cinq années.
Ce contribuable a porté sur sa déclaration de revenus souscrite au titre de l’année 2005, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, la somme de représentative des dividendes résultant de la distribution des bénéfices de l’exercice clos en 2004 versés en 2005 par la société. (Le montant étant de l’ordre de 4 millions d’euros)
Dans la même déclaration, il a demandé et obtenu, une réduction d’impôt correspondant au don ainsi consenti à cette fondation.
Puis, en 2006, il a déposé une déclaration de revenus rectificative ne mentionnant ni les dividendes ni le don effectué à la fondation estimant qu’il avait déclaré à tort ces sommes. L’administration a refusé d’accorder le dégrèvement. Le contribuable n’ayant obtenu gain de cause ni devant le tribunal administratif, ni devant la cour administrative d’appel, s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat. Malheureusement pour lui la sentence du Conseil d’Etat restera défavorable.
L’analyse de la Haute cour :
Il est rappelé que « L’impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année » (CGI, article 12) et que « L’impôt sur le revenu est établi d’après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l’article 6, aux professions qu’ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu’aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent (…) » (CGI, article 156)
Le contribuable a fait apport à la fondation, pour une durée de cinq années, du droit aux dividendes attachés aux actions qu’il détenait dans une société et a délégué cette société à l’effet d’en assurer directement le paiement à la fondation.
L’acte de donation indique qu’elle est « consentie avec délégation des dividendes qui la matérialise », et « ne confère aucun droit dans la société SITI », s’agissant « purement et simplement de créances ».
Il est jugé que si l’acte autorisait la fondation à percevoir les dividendes attachés aux titres de la société en lieu et place du contribuable, pendant une durée de cinq ans, cet acte ne présentait pas le caractère d’un transfert, même partiel, de la propriété de ces titres, dont l’intéressé avait conservé la pleine propriété.
Les juges ajoutent que cette donation n’avait pas consacré un démembrement des droits de propriété des titres de la société ayant pour effet de priver le requérant de la disposition des sommes distribuées.
Cette libéralité avait seulement organisé la transmission pendant cinq ans à la fondation du droit au paiement des dividendes, représentatif d’une créance future déterminée dans son principe. Cette donation devait être regardée comme un emploi par le requérant des revenus distribués par la société à ce dernier, qui en avait ainsi eu la disposition.
Notre analyse:
Cette décision parfaitement fondée en droit, n’en demeure pas moins très sévère à l’égard d’un contribuable qui voulait réaliser une bonne action…
Sur le plan fiscal, le choix de la donation du seul droit de percevoir les dividendes ne nous semblait cependant pas optimal. La donation de l’usufruit pour une durée de 5 années aurait été préférable.
(Mais d’un point de vue juridique, les conséquences sont différentes puisque la cession de l’usufruit entraine la cession de droits qui excèdent ceux à percevoir des dividendes, l’usufruitier disposant alors de droits de vote)
En cas de donation de l’usufruit des titres d’une société, le donateur peut être regardé comme n’ayant plus la disposition des dividendes puisqu’il a procédé à un transfert partiel de la propriété des actions auxquelles ces derniers se rattachent. Sa situation est la même, au regard du critère de la disposition des revenus, que s’il avait fait donation de la totalité de la propriété de ses titres. Il faut alors en déduire qu’il n’a plus la disposition des revenus résultant des dividendes. Ces derniers ne sont dès lors plus être imposables entre ses mains. (Cette même analyse a été développée par Madame Nathalie Esnault, rapporteur public dans les conclusions attachées à cette affaire).
Cette décision pose aussi, implicitement la question du traitement de cette situation au regard de l’imposition à l’ISF des titres de cette société… mais il s’agit d’une autre question qui relève, cette fois, de l’analyse de la Cour de cassation.