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ANALYSE PAR JACQUES DUHEM
Décisions du Conseil d’Etat du 20 décembre 2013 (n° 344 899 et n° 344900 – 10e et 9e sous-sections)
1 Les faits :
Madame X, co-gérante d’une SARL A, détenait la moitié des parts sociales de la SARL B, laquelle était l’associé unique de la SARL A.
Le 30 décembre 2004, l’assemblée générale des associés de la SARL A a décidé le versement d’une prime exceptionnelle au profit de chacun de ses cogérants, d’un montant de 4,5 % du résultat courant avant impôt de l’exercice en cours et clos le 31 décembre 2004.
Cette prime a été inscrite dans la comptabilité de la SARL A au compte « personnel-charges à payer », et a été déclarée au titre de ses revenus de l’année 2005 par les bénéficiaires. (Le montant de cette prime était de 38 000 € par co-gérant.
L’administration a quant à elle estimé que le montant net de cette prime devait être rattaché aux revenus imposables au titre de 2004.
La requérante a été déboutée devant le tribunal administratif de Rennes, puis devant la cour d’appel de Nantes. Cette dernière avait relevé qu’en sa qualité de cogérante détenant la moitié au capital de la société détentrice de la totalité des parts de la SARL B, Mme X était maître de l’affaire, prenant les décisions, disposant de l’information et arrêtant les comptes. Elle en a déduit que cette prime exceptionnelle devait être regardée comme un revenu dont la requérante avait pu disposer au cours de l’année de son inscription en compte.
2 La décision
La haute cour estime qu’en statuant ainsi la Cour de Nantes a commis une erreur de droit et donne raison au contribuable.
Elle souligne que cette prime lui a été attribuée à hauteur d’un pourcentage du résultat comptable de l’exercice, lequel n’a pu être arrêté que postérieurement au 31 décembre 2004. Le montant de la prime restait donc indéterminé avant qu’il soit fixé, à titre rétroactif, lors de l’approbation des comptes intervenue au cours de l’année 2005. Une telle circonstance faisait obstacle à ce que cette prime, d’un montant encore indéterminé le 31 décembre 2004, pût être regardée comme ayant été appréhendée par l’intéressée au cours de l’année 2004.
3 Notre point de vue
Cette décision, pleine de bon sens est la bienvenue.
Il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du CGI que les sommes à retenir au titre d’une année déterminée pour l’assiette de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui sont mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement soit par voie d’inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société.
L’inscription d’un revenu au crédit d’un compte d’un associé s’analyse en principe comme un paiement et entraîne une présomption (simple) de disponibilité de ce revenu.
Cette présomption peut être écartée si l’intéressé démontre qu’il n’a pas été en mesure de disposer des sommes portées en compte. (Ceci est notamment le cas lorsque la société débitrice est confrontée à des difficultés financières).
Il est à noter que si l’AG de décembre 2004 avait fixé le montant de la prime, cette dernière aurait dû alors être imposée au titre de cette même année.