Le dirigeant d’une PME qui exploite sous la forme d’une société assujettie à l’impôt sur les sociétés choisit son statut social et fiscal et configure son système de rémunération. A ce titre il dispose d’une certaine liberté pour déterminer :

  • Le choix entre un statut d’assimilé salarié (SAS) ou celui de TNS (Gérant majoritaire de SARL) ;
  • Le choix entre rémunérations et dividendes ;
  • Le choix des dates de versement

La rémunération du dirigeant constitue une charge déductible des résultats de la société, alors que le dividende est une affectation du résultat de cette dernière.

Une distribution de dividendes ne peut constituer un acte anormal de gestion, dès lors qu’elle est décidée conformément aux règles de droits.

Qu’en est-il des rémunérations ? Le fisc peut dans certaines circonstances analyser l’appréhension d’une rémunération comme un acte anormal de gestion.

Ceci peut être le cas lorsque la rémunération est jugée comme excessive. Excessive car disproportionnée par rapports aux services rendus ; excessive car non causée ; excessive en cas de doublons en présence de groupes de sociétés.

Quelle sont les conditions à respecter pour pouvoir déduire une rémunération ?

Pour pouvoir être comprise dans les charges d’exploitation déductibles de l’entreprise, la rémunération allouée au dirigeant doit correspondre à un travail effectif et ne pas être excessive eu égard au service rendu (article 39, 1-1°, alinéa 2 du CGI).

Pour apporter la preuve du caractère excessif de la rémunération d’un dirigeant, l’administration fiscale doit établir une comparaison avec des entreprises similaires.

Le BOFIP précise :

L’appréciation du caractère effectif des fonctions rémunérées dépend essentiellement des circonstances de fait propres à chaque affaire…

Cette appréciation se trouve facilitée par l’existence de circonstances particulières rendant impossible l’exercice de fonctions rémunérées. Ce peut être le cas, notamment des emplois impliquant une présence quotidienne du salarié sur les lieux de son travail, alors que le titulaire de l’emploi réside, de manière permanente, en un lieu incompatible avec la fréquence des déplacements qu’exigerait l’exercice effectif de ses fonctions.

Une rémunération peut être considérée comme excessive, lorsque cette dernière dépasse :

– celle correspondant à la qualification professionnelle,

– l’étendue de son activité,

– les aptitudes particulières aux résultats de l’entreprise,

– le montant des salaires de l’entreprise,

– la rémunération allouée aux emplois identiques dans l’entreprise ou ailleurs,

– la politique des salaires de l’employeur.

Ces dispositions ne doivent pas conduire le service à discuter systématiquement le montant des salaires versés par les entreprises à leur personnel non dirigeant, pour le seul motif que ce montant excéderait celui des rémunérations pratiquées pour les mêmes services dans des entreprises similaires.

En ce qui concerne cette catégorie de personnel, la réintégration d’un excédent de rémunérations doit être poursuivie seulement dans des situations exceptionnelles.

Ces dispositions concernent normalement le personnel dirigeant et il convient d’en faire une stricte application au regard des dirigeants qui sont personnellement intéressés au capital de façon importante ou sont unis par des liens affectifs ou d’intérêts aux personnes détenant le contrôle de l’entreprise.

L’appréciation du caractère anormal des rémunérations a donné lieu au cours des dernières décennies à une abondante jurisprudence.

Quelles sont les conséquences pratiques en cas d’acte anormal de gestion ?

Si la rémunération est jugée excessive par l’administration fiscale, cette dernière va pratiquer deux redressements. La réintégration de la fraction excessive de la rémunération emporte des conséquences pour la société en cause mais aussi pour le bénéficiaire de la rémunération.

En premier lieu, la fraction jugée excédentaire de la rémunération est réintégrée dans le bénéfice imposable de la société. Elle donne ainsi lieu à un rappel d’impôt sur les sociétés. Ce dernier est généralement majoré d’une pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

En second lieu, la fraction jugée excessive de la rémunération est analysée comme une distribution occulte et est imposée dans la catégorie des revenus mobiliers, sans ouvrir droit à abattement.

L’administration fiscale commence par retirer la rémunération excessive de la catégorie des traitements et salaires et la rajouter dans la catégorie des revenus mobiliers.

En effet, en perdant la qualification de salaire, le bénéficiaire perd l’abattement de 10 % pour frais professionnels.

Le montant de la distribution est aussi majoré de 25 %.

Ce revenu ne peut pas bénéficier de l’abattement de 40 % qui s’applique aux dividendes.

En outre, le redressement est généralement majoré d’une pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

Application

Soit une rémunération excessive de 100 :

Pour la société :

La rémunération excessive de 100 devra être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société.

Redressement en IS = 28

Majoration 40% = 11,2

Total = 39,2

Pour le dirigeant :

Sa rémunération de 100 a été taxée à hauteur de 90 compte tenu des 10% d’abattement pour les frais professionnels. Avec le redressement, la requalification en distribution occulte fait perdre cet abattement et il faut ajouter la majoration de 25 %. Ainsi le revenu imposable sera de 125.

Si le contribuable a par hypothèse un taux d’imposition de 40 % :

Le redressement d’IR sera de

35 x 40% = 14

La majoration de 40% sera de 5,6

Des prélèvements sociaux au taux de 17,2% seront dus sur une base de 125 soit 21,5

La majoration de 40% sera de 8,6

Total = 49,7

Ces calculs font en outre abstraction des intérêts de retard.

Au total, les montants réclamés par le fisc sont de près de 89, pour une rémunération excessive de 100 ! Jackpot !

On constate dans la pratique récente du contrôle fiscal une réapparition massive de ce chef de redressement pour certaines situations. Les dirigeants de PME ont parfois pris un peu trop de liberté dans la mise en place de stratégies de rémunération. Les agents de Bercy sont aux aguets !

A titre d’illustration on visera ci-dessous une récente décision de la Cour Administrative d’appel de Paris du 20 juin 2018. (n° 17PA02744)

Les faits :

Le litige portait sur la rémunération de la gérante d’ne SARL réalisant des prestations immobilières dans le domaine de la menuiserie et des prestations de service relatives à la coordination de chantiers.

Mme A…est la gérante et l’associée à hauteur de 24 % du capital social.

Dans le cadre d’une vérification de comptabilité, le fisc a estimé que sa rémunération était excessive.

Mme A avait perçu des rémunérations à concurrence d’un montant de 196 816 euros en 2010 et 267 899 euros en 2011.

Le fisc a estimé que la rémunération non déductible (car excessive) de Mme A…devait être fixée à 60 000 euros en 2010 et 90 000 euros en 2011.

Le chiffre d’affaires de la société avait atteint le montant de 550 428 euros en 2010 et 1 325 727 euros en 2011.

Les bénéfices réalisés par la société étaient de 60 772 euros en 2010 et 134 063 euros en 2011.

La rémunération de Mme A…représentait 82 % des frais de personnel en 2010 et 54 % de ces frais en 2011.

Pour apprécier le caractère excessif de la rémunération versée à Mme A…, le service a également procédé à une étude comparative avec cinq autres sociétés présentant la même forme juridique, le même code NACE, un chiffre d’affaires et un bénéfice comparables dans un même ressort géographique.

Il ressort de cette étude comparative que la rémunération accordée à sa gérante par la SARL était nettement supérieure à la moyenne de la rémunération versée par les autres sociétés à leurs gérants.

Il résulte de la combinaison de ces éléments que Mme A. a reçu une rémunération six fois supérieure en 2010 et cinq fois supérieure en 2011 à celle versée en moyenne par des entreprises comparables.

 La décision :

Sur la base des constatations listées ci-dessus, la Cour confirme le caractère excessif de la rémunération.