Après l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, il était intéressant de dresser un état des lieux et d’imaginer les stratégies du futur.
Pierre Yves Lagarde nous propose ses réflexions quant aux stratégies de rémunération des dirigeants.
JD Après ce torrent de taxations nouvelles, comment résumerais-tu l’état d’esprit des clients chefs d’entreprises ?
PYL Nos clients – professions libérales, cadres dirigeants ou entrepreneurs – manifestent une réaction absolument inédite : la rupture du consentement à l’impôt. Pas du tout, selon le discours simpliste de certains, en raison d’un égoïsme de nantis, qui les rendraient insensibles aux difficultés que rencontrent beaucoup de nos compatriotes. Ils ont et nous avons compris que l’heure de payer approche, pour solder 40 années de démagogie budgétaire. Mais se résoudre à payer plus implique qu’on puisse espérer que ce soit utile à redresser le pays. Si, au contraire, on craint que les contributions supplémentaires ne fassent que s’évaporer dans des paniers gravement percés, on ne consent plus à l’impôt. Surtout quand on peine tellement à comprendre le chemin qui mène des promesses d’économie à la réduction réelle de la dépense publique. Et donc on modifie ses comportements, professionnels et patrimoniaux.
JD Quel exemple pour illustrer cette rupture du consentement à l’impôt ?
PYL La question de la distribution des réserves accumulées dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés me paraît constituer le meilleur exemple. Je ne vise ici que les réserves « excédentaires » : celles qui ne sont ni utiles à l’entreprise, ni nécessaires à l’actionnaire. Leur distribution procède donc normalement d’un calcul d’opportunité. Vaut-il mieux subir la taxation actuelle ou s’exposer à la taxation future. La raison arithmétique suggère de sortir immédiatement. D’autres mauvaises nouvelles nous guettent : augmentation des prélèvements sociaux, diminution de l’abattement de 40 %, rétablissement du précompte … Mais la rupture du consentement à l’impôt devient alors le contradicteur féroce de cette décision raisonnable. On refuse de créer une base taxable qui n’est pas contrainte.
JD Que faut-il ne pas faire avant la fin de l’année ?
PYL Deux mauvaises idées, selon moi, circulent en cette fin d’année. La première consiste à distribuer les réserves accumulées dans une SARL, pour éviter l’assujettissement aux charges sociales, effectif à compter de 2013. Or, quand le montant cumulé du revenu social et de la distribution excède 182.000 €, les dividendes assujettis à charges sociales deviennent moins taxés que les dividendes non assujettis ! Et, en dessous de ce montant, l’écart s’avère faible, compte tenu des cotisations utiles de retraite. L’autre tentation vise à transformer sa SARL en SAS, pour devenir ou redevenir assimilé salarié, en raison de la hausse des cotisations sociales obligatoires des non salariés. Pas justifié à nouveau. Les cotisations des non salariés restent inférieures, même si l’écart s’est réduit.
JD Que faut-il faire désormais ?
PYL Il me semble que nous entrons dans une ère nouvelle d’organisation patrimoniale et professionnelle : celle de « l’encapsulement » des revenus. Dans la sphère privée, les produits le permettant restent favorisés par le législateur. 7,50 % pour les produits capitalisés 8 ans au sein d’un contrat d’assurance-vie, contre 40,20 % pour les revenus d’actions, par exemple. Dans la sphère professionnelle, les stratégies d’enrichissement à l’impôt société vont sans doute se multiplier. Nous savons certes que cette stratégie présente un inconvénient : le coût fiscal du débouclage. Mais, au moment où les régimes de retraite par répartition inquiètent, pour le moins (fin des réserves AGIRC prévue en 2017 !), pourquoi faudrait-il absolument déboucler le patrimoine de rendement logé dans une société IS ? Pour la retraite, ce n’est pas forcément pire que des points AGIRC à la valeur future incertaine …
Pierre Yves, je te remercie pour cet éclairage.