Dans une instruction (BOI 7 S-4-10 du 4 janvier 2010), l’administration avait commenté le traitement fiscal, au regard de l’impôt de solidarité sur la fortune, des contrats d’assurance-vie diversifiés :
BOI 7 S-4-10, 4 janvier 2010
Compte tenu des hésitations qui se sont manifestées sur le traitement au regard de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des contrats d’assurance vie diversifiés comportant une clause d’indisponibilité temporaire, l’administration a apporté les précisions suivantes:
L’article R. 142-8 du code des assurances dispose que les contrats d’assurance vie peuvent stipuler qu’ils ne comportent pas de possibilité de rachat durant une période qui ne peut excéder dix ans, sous réserve des événements mentionnés aux troisième à cinquième alinéas de l’article L. 132-23 du même code.
Ainsi que le prévoit l’article R. 142-8 précité du code des assurances, l’insertion d’une telle clause constitue une simple faculté. Cette impossibilité de rachat se traduit en outre par une indisponibilité qui n’est que temporaire. A l’issue de la période d’indisponibilité, les sommes sont de nouveau disponibles.
Une clause de non-rachat temporaire ne remet pas en cause l’existence d’une créance dans le patrimoine du souscripteur, y compris durant la période d’indisponibilité.
Cette indisponibilité temporaire n’a pas pour effet de rendre le contrat non imposable à l’ISF. En effet, une clause d’indisponibilité temporaire n’a pour conséquence que de différer la possibilité d’exercice du droit de rachat. Or, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, et en application des dispositions des articles 885 E et 885 F du code général des impôts, la valeur du contrat correspondant à la créance qui figure dans le patrimoine du souscripteur est imposable à l’ISF. Elle doit donc être déclarée au titre des bases imposables à cet impôt au 1er janvier de chaque année.
Cette instruction, jugée illégale par certains praticiens, a été attaquée devant la juridiction administrative.
Le Conseil d’Etat vient de valider la doctrine administrative.
Devant la haute cour, le redevable faisait valoir que ce type de contrat devait être exclu de l’assiette taxable, estimant que le contrat n’était pas rachetable.
Le Conseil d’Etat (CE, n° 349202, 3 décembre 2012) refuse d’annuler le BOI. Il estime que le requérant n’est pas fondé à déduire des règles particulières que les contrats rachetables par nature, dont la possibilité de rachat a seulement été différée par une clause contractuelle, devraient être également regardés comme non rachetables lors de leur souscription et ne devenir rachetables qu’à l’expiration du terme fixé par la clause d’indisponibilité, alors que ni le code général des impôts ni le code des assurances ne prévoient la possibilité d’une telle évolution de la nature de ces contrats.
Conseil d’État
N° 349202
8ème et 3ème sous-sections réunies
Lecture du lundi 3 décembre 2012
1. Considérant que M. B demande l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a refusé d’abroger l’instruction n° 7 S-4-10 du 4 janvier 2010 par laquelle l’administration a commenté le traitement fiscal, au regard de l’impôt de solidarité sur la fortune, des contrats d’assurance-vie diversifiés et à ce qu’il lui soit enjoint d’abroger l’instruction litigieuse ; que par un nouveau mémoire enregistré le 18 septembre 2012, il demande l’annulation, en tant que de besoin, des précisions figurant au Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (BOFIP) à jour au 12 septembre 2012, au paragraphe 160 sous l’intitulé BOI-PAT-ISF-30-20-10-20120912 qui reprennent les termes de l’instruction attaquée ;
2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 885 E du code général des impôts : » L’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l’article 885 A (…) » ; qu’aux termes de l’article 885 F du même code : » Les primes versées après l’âge de soixante-dix ans au titre des contrats d’assurance non rachetables souscrits à compter du 20 novembre 1991 et la valeur de rachat des contrats d’assurance rachetables sont ajoutées au patrimoine du souscripteur » ;
3. Considérant, d’autre part, que l’article L. 132-23 du code des assurances énumère les catégories de contrats non rachetables, qui n’ouvrent jamais droit à remboursement des primes en cas de non-survenance du risque et dont le capital est définitivement aliéné dès son versement, au nombre desquels ne figurent pas ceux qui font l’objet de l’instruction attaquée, et dispose que, à l’exception des contrats d’assurance en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation de l’activité professionnelle, l’assureur ne peut refuser la réduction ou le rachat pour les autres assurances sur la vie et pour les opérations de capitalisation ; que l’article L. 142-1 de ce code, issu de la loi du 26 juillet 2005, a permis aux compagnies d’assurance de souscrire des contrats d’assurance-vie diversifiés ; qu’aux termes de l’article L. 142-5 du même code relatif à ces contrats : » Un décret en Conseil d’Etat précise les règles techniques ainsi que les conditions d’application de présent chapitre, notamment les cas où, nonobstant l’article L. 132-23, les contrats sont ou non rachetables ou transférables » ; qu’en vertu de l’article R. 142-8, pris en application de l’article L. 142-5, ces contrats peuvent stipuler » qu’ils ne comportent pas de possibilité de rachat durant une période qui ne peut excéder dix ans « , le rachat ne devenant possible au cours de cette période d’indisponibilité qu’en cas d’expiration des droits de l’assuré aux allocations de chômage, de cessation de son activité à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire ou d’invalidité ;
4. Considérant que, si l’article R. 142-8 du code des assurances permet aux contrats d’assurance-vie diversifiés de stipuler qu’ils ne comportent pas de possibilité de rachat pendant une période qui ne peut être supérieure à dix ans, l’adoption d’une telle clause laisse subsister dans le patrimoine de l’assuré la créance qu’il détient sur l’assureur, laquelle, même si le remboursement en est différé, ne cesse pas de lui appartenir pendant toute la durée du contrat ; qu’ainsi, et alors même qu’elle serait prévue par la loi, une telle stipulation ne modifie pas le caractère rachetable attaché au contrat par les dispositions de l’article L. 132-23 du même code ; qu’à ce titre, ce contrat est au nombre des biens dont la valeur doit être ajoutée au patrimoine du souscripteur pour le calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune en application des articles 885 E et F du code général des impôts ;
5. Considérant que, si M. B fait valoir que, pour certaines catégories de contrats non rachetables, dont les contrats définis à l’article L. 144-1 du code des assurances, issu de l’article 65 de la loi du 30 décembre 2006, l’article L. 132-23 du même code a prévu une possibilité de rachat en cas de survenance de certaines circonstances déterminées dans la vie de l’assuré – l’inclusion de leur valeur dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune n’intervenant alors qu’à la date du rachat – il n’est toutefois pas fondé à déduire de ces règles particulières que les contrats rachetables par nature, dont la possibilité de rachat a seulement été différée par une clause contractuelle, devraient être également regardés comme non rachetables lors de leur souscription et ne devenir rachetables qu’à l’expiration du terme fixé par la clause d’indisponibilité, alors que ni le code général des impôts ni le code des assurances ne prévoient la possibilité d’une telle évolution de la nature de ces contrats ; qu’il ne saurait davantage invoquer utilement les travaux parlementaires qui ont précédé l’adoption d’une autre disposition du code général des impôts, relative au traitement fiscal de la valeur de capitalisation des rentes viagères ;
6. Considérant que c’est dès lors sans illégalité que l’instruction attaquée énonce qu’une clause d’indisponibilité temporaire n’a pas pour effet de rendre le contrat non imposable à l’impôt de solidarité sur la fortune et diffère seulement la possibilité d’exercice du droit de rachat sans le supprimer et qu’en conséquence, la valeur du contrat correspondant à la créance qui figure dans le patrimoine du souscripteur est imposable à cet impôt pendant cette période ; que, par suite, M. B n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision implicite refusant d’abroger cette instruction ; qu’il n’est pas davantage fondé à demander l’annulation du paragraphe du BOFIP mentionné au point 1 ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête de M. B doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d’injonction et celles fondées sur l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B est rejetée.