A propos de CA Colmar, 3 mai 2013, n° 11/04081.
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L’abattement de 30 500 € prévu par l’article 757 B du CGI est réparti entre les différents bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans les primes versées après le 70e anniversaire de l’assuré. (Voir en annexe le texte et le BOFiP traitant de la question)
La Cour d’appel de Colmar confirme qu’il ne peut y avoir de dérogation à cette règle quand bien même les différents bénéficiaires ne déposent pas simultanément la déclaration partielle de succession afférente aux primes taxables.
Quels étaient les faits ?
Une personne décède en décembre 2007 après avoir souscrit plusieurs contrats d’assurance-vie. Le bénéficiaire de trois contrats d’assurance-vie dépose, en janvier et mai 2008, des déclarations de succession partielles nécessaires pour faire débloquer les fonds en sa faveur. Le receveur des impôts lui délivre une attestation selon laquelle aucun impôt n’était exigible. Le montant taxable étant inférieur au montant de l’abattement de 30 500 €.
Mais, en octobre 2008, l’administration fiscale envoie à cet heureux bénéficiaire des contrats, une proposition de rectification. Pourquoi ? Le défunt avait tout simplement souscrit cinq autres contrats au profit d’autres bénéficiaires sur lesquels elle avait également versé des primes après son 70e anniversaire.
Dès lors, le total des primes versées après 70 ans était supérieur à 30 500 € et la répartition de l’abattement entre les bénéficiaires devait donc être revu.
Devant les juges, le bénéficiaire, s’estimant lésé injustement, a contesté le redressement en invoquant une prise de position formelle des services fiscaux au sens de l’article L. 80 B du LPF. Il estimait que l’administration avait expressément validé la première déclaration et ne pouvait modifier la liquidation initiale.
Mais, la cour d’appel de Colmar rejette cette argumentation. Selon elle, les certificats de non-exigibilité délivrés au redevable permettent seulement un règlement rapide des fonds détenus par l’assureur. Ils ne peuvent être considérés comme comportant une interprétation d’un texte fiscal au sens de l’article L. 80 du LPF, ni comme une prise de position formelle.
Lors du dépôt des déclarations partielles de succession par le redevable l’administration fiscale n’était pas informée de la totalité des contrats d’assurance-vie souscrits, ni du nombre de bénéficiaires, ni de la part de chacun. Ces déclarations partielles ne permettaient pas de calculer les droits dus. Les services fiscaux n’étaient en mesure de répartir l’abattement qu’a posteriori, une fois toutes les déclarations effectuées.
Remarques :
Le dépôt d’une déclaration partielle de succession ne vaut pas quitus… Chaque bénéficiaire peut déposer, sous sa responsabilité, une déclaration de succession partielle. Cependant, l’administration, dans le cadre de ses opérations de contrôles effectue une centralisation des données afin de calculer la juste répartition du montant de l’abattement octroyé par l’article 757 B du CGI.
En outre cette répartition pose un inconvénient majeur : En effectuant une bonne vieille règle de trois, chaque bénéficiaire peut reconstituer le montant des capitaux perçus par les autres bénéficiaires… C’est idéal pour se fâcher en famille….
Annexes :
Article 757 B du CGI
- Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 – art. 6 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002
- Modifié par Loi – art. 51 (V) JORF 29 décembre 2001
I. Les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 €.
II. Lorsque plusieurs contrats sont conclus sur la tête d’un même assuré, il est tenu compte de l’ensemble des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré pour l’appréciation de la limite de 30 500 €.
III. Les conditions d’application du présent article et notamment les obligations concernant les informations à fournir par les contribuables et les assureurs sont déterminées par décret en Conseil d’Etat.
BOI ENR DMTG 10 10 20 20 , N° 210
Détermination de l’abattement applicable
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L’abattement visé à l’article 757 B du CGI, au delà duquel les primes définies ci-avant sont taxables, est global, quel que soit le nombre de contrats et de bénéficiaires de ce ou ces contrats.
Lorsque plusieurs contrats sont conclus sur la tête d’un même assuré, il convient de retenir, pour la taxation aux droits de succession, la fraction des primes versées au titre de ces différents contrats après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré.
L’abattement est donc appliqué en globalisant toutes les primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré au titre des contrats souscrits sur sa tête par lui-même ou par des tiers.
Remarque : Il y a lieu, le cas échéant, de prendre également en compte les primes versées au titre du PERP.
1° Répartition de l’abattement en cas de pluralité de bénéficiaires
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En cas de pluralité de bénéficiaires, l’abattement est réparti entre les bénéficiaires concernés au prorata de la part leur revenant dans les primes taxables aux termes du ou des contrats.
Exemple :
M. X., âgé de plus de soixante-dix ans, a souscrit en 2004 plusieurs contrats :
– le 20 janvier, un contrat à prime unique de 90 000 € au profit de M. A. ;
– le 15 juin, un contrat à prime unique de 60 000 € au profit de MM. B et C pour la moitié chacun ;
– le 10 septembre, un contrat à prime unique de 106 000 € au profit de MM. A et B pour la moitié chacun.
Il décède en février 2005. Les capitaux dus par les assureurs s’élèvent à :
– 93 000 € au profit de M. A (contrat souscrit en janvier 2004) ;
– 31 500 € au profit de M. B et 31 500 € au profit de M. C (contrat souscrit en juin 2004) ;
– 55 000 € au profit de M. A et 55 000 € au profit de M. B (contrat souscrit en septembre 2004).
Pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, il convient de retenir toutes les primes versées par M. X. dès lors que les contrats avaient été souscrits après le 20 novembre 1991 et que l’intéressé avait plus de soixante-dix ans lors de leur versement.
Primes imposables : 90 000 + 60 000 + 106 000 = 256 000 €
L’abattement de 30 500 € doit être réparti entre les différents bénéficiaires en fonction du prorata de leur part dans les primes imposables.
Primes imposables au titre des contrats souscrits les : |
M. A |
M. B |
M. C |
20 janvier 2004 |
90 000 € |
||
15 juin 2004 |
30 000 € |
30 000 € |
|
10 septembre 2004 |
53 000 € |
53 000 € |
– |
Assiette brute |
143 000 € |
83 000 € |
30 000 € |
Calcul du prorata d’abattement revenant à chaque bénéficiaire |
(30 500 x 143 000) / 256 000 = 17 037 € |
(30 500 x 83 000) / 256 000 = 9 889 € |
(30 500 x 30 000) / 256 000 = 3 574 € |
Net imposable |
125 063 € |
73 111 € |
26 526 € |
220
Les personnes exonérées de droits de mutation par décès (conjoint survivant, partenaire lié au défunt par un PACS et sous certaines conditions les frères et sœurs vivant ensemble), sont également exonérées de droits de mutation par décès sur les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré.
Il en résulte qu’en cas de pluralité de bénéficiaires, il n’est pas tenu compte de la part revenant aux personnes exonérées de droits de mutation par décès, pour répartir l’abattement visé à l’article 757 B du CGI entre les différents bénéficiaires.
Cette solution a vocation à s’appliquer dans toutes les situations où un bénéficiaire est exonéré es qualités de droits de mutation par décès, quel que soit le fondement sur lequel il est exonéré, par exemple au titre de l’article 796-0 bis du CGI .
Exemple :
M. X, âgé de plus de soixante-dix ans, a souscrit en 2004 plusieurs contrats :
– le 20 janvier, un contrat à prime unique de 60 000 € au profit de son fils Paul ;
– le 15 juin, un contrat à prime unique de 40 000 € au profit de sa femme Caroline ;
– le 10 septembre, un contrat à prime unique de 70 000 € au profit de sa fille Marie.
Il décède le 1er novembre 2008. Les capitaux dus par les assureurs s’élèvent à :
– 66 000 € au profit de Paul ;
– 42 000 € au profit de Caroline ;
– 72 000 € au profit de Marie.
Pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, il convient de retenir toutes les primes versées par M. X dès lors que les contrats ont été souscrits après le 20 novembre 1991 et que l’intéressé avait plus de soixante-dix ans lors de leur versement. Toutefois, comme l’un des bénéficiaires est le conjoint-survivant, il convient de retirer les primes versées par M. X au profit de son conjoint. Celui-ci est en effet exonéré de droits de mutation par décès.
Primes imposables : 60 000 € + 70 000 € = 130 000 €.
L’abattement de 30 500 € doit être réparti entre les différents bénéficiaires, en fonction du prorata de leur part dans les primes imposables.
Primes imposables au titre des contrats souscrits les : |
Paul |
Caroline (épouse) |
Marie |
20 janvier 2004 |
60 000 € |
||
15 juin 2004 |
40 000 € |
||
10 septembre 2004 |
70 000 € |
||
Assiette brute |
60 000 € |
(exonérée de droits de mutation par décès) |
70 000 € |
Calcul du prorata d’abattement revenant à chaque bénéficiaire |
30 500 x (60 000 / 130 000) = 14 077 € |
30 500 x (70 000 / 130 000) = 16 423 € |
|
Net imposable |
45 923 € |
0 € |
53 577 € |