Lors de sa séance du 14 février 2013, le comité de l’abus de droit a rendu deux avis favorables au fisc, sur le schéma des apports/cessions.
Ces avis n’ont d’intérêt que pour le règlement des apports intervenus avant le 14 Novembre 2012. En effet depuis cette date, c’est le législateur qui a précisé le champ d’application du dispositif permettant d’échapper (provisoirement) au paiement de l’impôt sur plus-value.
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Affaires n° 2012-46 et n° 2012-51 (impôt sur le revenu)
1. – La SAS Z a pour activité l’exploitation d’une maison de retraite privée et détient 36 % du capital de la SCI L propriétaire de l’ensemble immobilier constituant la maison de retraite.
Par convention sous conditions suspensives du 30 avril 2008, l’ensemble des actionnaires de la SAS Z s’est engagé irrévocablement à céder les actions qu’ils détenaient à la SARL M pour un prix de 2 100 000 € auquel s’ajoutait la somme de 3 960 000 € correspondant à la participation au capital de la SCI.
C’est ainsi que M. et Mme C, qui détenaient 109 actions de la SAS dont le capital était composé de 480 actions, devaient recevoir lors de la vente de ces titres une somme de 1 376 125 €.
Le 9 décembre 2008, M. C a créé l’EURL H, dont il est gérant et l’unique associé. Cette entreprise a pour objet, notamment, l’acquisition, la propriété et la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières, parts d’intérêts et tous titres de participations dans toutes entités juridiques créées ou à créer et une activité de conseil et assistance aux entreprises.
Par contrat du même jour, M. C a fait apport à l’EURL H des 109 actions de la SAS Z pour une valeur arrondie à 1 376 000 € et a reçu en contrepartie 1 376 parts sociales d’une valeur nominale de 1 000 € chacune. La plus-value d’échange de titres réalisée par M. C lors de cette opération d’apport a bénéficié de plein droit du sursis d’imposition prévu par l’article 150-0 B du CGI.
Par acte du 12 janvier 2009, les parties à la convention du 30 avril 2008, constatant la réalisation des conditions suspensives initialement prévues, ont finalisé la cession des actions de la SAS Z.
L’EURL H s’est alors substituée à M. et Mme C ainsi que le prévoyait l’article 1er de la convention de cession et a cédé les 109 actions de la SAS Z pour un prix de 1 376 000 €.
Par une proposition de rectification en date du 1er décembre 2011, l’Administration a considéré que l’opération d’apport des titres à l’EURL H, laquelle était soumise à l’impôt sur les sociétés, suivie de leur cession par celle-ci après un délai très bref de détention, n’avait pas eu d’autre motif que celui de permettre à M. C de bénéficier abusivement du régime du sursis d’imposition. Elle a mis en oeuvre la procédure d’abus de droit fiscal sur le fondement de l’article L. 64 du LPF.
Le Comité a entendu ensemble le contribuable et son conseil ainsi que les représentants de l’administration fiscale.
Il constate, en premier lieu, que l’EURL H avait réinvesti le produit de la cession des titres dans l’acquisition de valeurs mobilières de placement.
Il relève, en second lieu, que si M C a acquis en avril 2009, via une société patrimoniale constituée avec son épouse, une partie d’un ensemble immobilier (25 lots sur 76) dans lequel une société exploitait un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), aucun réinvestissement effectif dans l’activité économique exercée par cette dernière société n’avait été réalisé par l’EURL H avant l’expiration du délai de reprise par l’Administration.
Le Comité note d’ailleurs qu’à la date où il a statué ce réinvestissement n’était toujours pas réalisé alors que les motifs des difficultés alléguées par le contribuable avaient disparu.
Le Comité émet en conséquence l’avis que, dans les circonstances de l’espèce et en l’absence de tous autres éléments plus probants, l’Administration était fondée à mettre en œuvre la procédure prévue par l’article L. 64 du LPF pour écarter l’application du régime du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du CGI à l’égard de la plus-value réalisée lors de l’apport des titres de la SAS Z à l’EURL H.
Enfin, le Comité estime que M. C doit être regardé comme ayant eu l’initiative principale des actes constitutifs de l’abus de droit et, en outre, en a été le principal bénéficiaire au sens du b) de l’article 1729 du CGI. Il émet donc l’avis que l’Administration est fondée à appliquer la majoration de 80 % prévue par ces dispositions.
Nota : L’Administration a pris note de l’avis favorable du Comité.
Régime applicable aux apports réalisés depuis le 14 novembre 2012
Désormais deux régimes différents co-habitent Le premier concerne les apports au profit de sociétés non contrôlées par l’apporteur, le second ceux réalisés au profit de sociétés contrôlées par l’apporteur. Dans le premier cas, le mécanisme du sursis d’imposition continue à s’appliquer, dans le second, c’est désormais un mécanisme de report automatique d’imposition qui est mis en place.
Dans le régime du report d’imposition, l’échange n’est pas considéré comme une simple opération intercalaire (contrairement au sursis). La plus-value brute en report est donc égale à la différence entre le prix des titres reçus par le contribuable à la date de de l’échange et le prix d’acquisition des titres remis à l’échange.
Quel est le champ d’application du report automatique ?
Le champ d’application est identique à celui du report.
L’apport doit être réalisé en France, dans un Etat membre de l’Union européenne ou un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale d’assistance administrative, à une société soumise à l’impôt sur les sociétés (ou à un impôt équivalent).
En cas d’apport ultérieur des titres reçus en rémunération de l’apport (ou des titres des groupements ou sociétés interposées), l’imposition de la plus-value réalisée à cette occasion est elle-même reportée dans les mêmes conditions.
L’apport doit être réalisé par une personne physique directement, ou indirectement via une société ou un groupement interposé soumis au régime des sociétés de personnes.
La société bénéficiaire de l’apport doit être contrôlée par le contribuable. Cette condition est appréciée à la date de l’apport, en tenant compte des droits détenus par le contribuable à l’issue de celui-ci.
Un contribuable est considéré comme contrôlant une société :
– lorsqu’il détient directement ou indirectement, ou par l’intermédiaire de son groupe familial la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société. Le groupe familial est constitué de son conjoint, de leurs ascendants ou descendants, ou de leurs frères et sœurs ;
– lorsqu’il dispose seul de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette société en vertu d’un pacte d’actionnaires ou d’associés ;
– lorsqu’il exerce en fait le pouvoir de décision.
Le contribuable est présumé exercer ce contrôle lorsqu’il dispose directement ou indirectement d’au moins un tiers des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux, et qu’aucun associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une participation supérieure à la sienne.
Par ailleurs, le contribuable et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement une société lorsqu’ils déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.
Quelles sont les évènements mettant fin au report ?
Deux situations doivent être distinguées
a) La cession des titres du holding (titres reçus lors de l’apport)
Il est mis fin au report d’imposition lors de la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres reçus en rémunération de l’apport.
b) La cession par le holding des titres apportés
Il est mis fin au report à l’occasion de la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres apportés à la société bénéficiaire dans un délai de trois ans à compter de l’apport, sauf si cette société réinvestit dans un délai de deux ans à compter de la cession au moins 50 % du produit de la cession dans une activité économique.
Une cession intervenant plus de trois ans après l’apport ne met donc pas fin au report, que la société bénéficiaire de l’apport réinvestisse ou non le produit de la cession dans une activité économique.
Il y a réinvestissement économique lorsque la société bénéficiaire de l’apport procède au financement d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (ou à l’acquisition d’une fraction du capital d’une société exerçant une telle activité qu’elle contrôle) à l’exception de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier. Le réinvestissement peut également prendre la forme d’un apport à une ou plusieurs sociétés répondant aux mêmes conditions.
c) Donation des titres du holding reçus lors de l’échange
Lorsque les titres reçus en rémunération de l’apport font l’objet d’une donation (ou d’un don manuel), et que le donataire contrôle la société bénéficiaire de l’apport, la plus-value en report est imposée au nom du donataire en cas de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation des titres dans un délai de dix-huit mois à compter de la donation (sauf cas de licenciement, d’invalidité ou de décès du donataire ou de son conjoint ou partenaire de Pacs soumis à une imposition commune).
La plus-value en report est également imposée au nom de ce même donataire lorsque la société bénéficiaire de l’apport cède les titres apportés dans les trois ans à compter de l’apport sans procéder à un réinvestissement économique du produit de la cession dans les conditions visées par le dispositif.
La plus-value en report est imposée après déduction des frais de donation et de l’abattement pour durée de détention prévu par la loi de finances pour 2013 déterminé en fonction de la date d’acquisition des titres par le donateur.
Lorsqu’une des conditions à l’imposition n’est pas remplie (notamment en cas de succession), la transmission à titre gratuit des titres devrait conduire à l’exonération définitive de la plus-value en report.
Cas particulier : Lorsque les titres reçus en rémunération de l’apport (ou les titres des groupements ou sociétés interposés) font eux-mêmes l’objet d’un apport ultérieur placé sous le régime du sursis d’imposition (CGI art. 150-0 B) ou sous le nouveau régime de report (CGI art. 150-0 B ter), il est mis fin au report initial en cas de cession à titre onéreux, rachat, remboursement ou annulation des nouveaux titres reçus en échange ou en cas de cession des titres dans les 3 ans et si 50% ne sont pas réinvestis dans une autre activité économique.
Il n’est mis fin au report d’imposition qu’à proportion des titres cédés à titre onéreux, rachetés, remboursés ou annulés.
La plus-value d’échange devient imposable au titre de l’année de réalisation de l’événement impliquant la fin du report.
Le non-respect de la condition de réinvestissement met fin au report d’imposition au titre de l’année au cours de laquelle le délai de deux ans expire. Dans ce cas, l’imposition de la plus-value d’apport est assortie du paiement de l’intérêt de retard décompté à partir de la date d’apport des titres.
Quelles sont les obligations déclaratives ?
Le contribuable doit indiquer le montant de la plus-value en report (ou des plus-values en report en cas d’apports successif) sur la déclaration d’ensemble des revenus.
En cas de donation (ou de don manuel) des titres reçus en rémunération de l’apport, le donataire mentionne dans la proportion des titres transmis le montant de la plus-value en report dans la déclaration d’ensemble des revenus si la société bénéficiaire de l’apport est contrôlée par le donataire.
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