Analyse par STEPHANE PILLEYRE
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Le sujet est peu évoqué et pourtant il n’est pas anodin…
Le mariage ou le PACS conduisent les désormais époux ou partenaires à une obligation de déclaration commune de leurs revenus.
L’imposition commune va ainsi mettre fin à l’existence de deux foyers fiscaux pour n’en laisser subsister qu’un seul ! Ce passage à un foyer fiscal unique n’est pas sans incidences sur la situation fiscale du couple.
Trois questions essentielles doivent alors être posées :
– Comment seront gérés les plafonds des investissements Scellier, LMNP Bouvard réalisés par chacun des foyers avant le mariage ou le Pacs ?
– Les dispositifs pourront-ils s’appliquer de manière cumulative ? Dans l’affirmative, les plafonds se cumuleront-ils également?
– Comment sera géré le plafonnement des niches fiscales lorsque deux foyers fiscaux n’en feront plus qu’un ?
Il est à nos yeux utile de se pencher sur ces questions pour le moins pertinentes, en ces temps de recherche de recettes fiscales pour l’Etat et d’optimisation de l’impôt sur le revenu pour les contribuables.
I Modalités d’imposition des couples mariés ou unis par un PACS
L’article 95 de la loi de finances pour 2011 est venu simplifier les modalités d’imposition des couples qui se constituent au cours de l’année d’imposition en substituant aux impositions multiples (3 déclarations), une imposition unique des nouveaux époux ou partenaires de PACS pour l’ensemble de leurs revenus de l’année.
Ainsi, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2011, en principe, une seule déclaration est rédigée et un seul avis d’imposition est édité l’année du mariage ou de conclusion d’un PACS pour l’ensemble du foyer fiscal.
Par exception à ce principe, au titre de l’année du mariage ou de la conclusion du PACS, les contribuables peuvent opter pour une dernière imposition distincte de leurs revenus. Un avis d’imposition est alors édité au nom de chacun des époux ou partenaires (soit au total deux avis d’imposition). Cette option est réservée aux couples jusqu’alors soumis à imposition séparée. (Un couple qui se marie après avoir été pacsé, ne peut pas bénéficier du régime dérogatoire car avant le mariage, il était déjà soumis à une imposition commune). En outre, cette option porte sur la totalité des revenus de l’année acquis par les contribuables.
L’option pour la déclaration séparée d’un couple qui vient de se marier sous le régime de la communauté appelle quelques réflexions. Antérieurement au mariage, ou à la conclusion du PACS les concubins étaient seuls titulaires de leurs biens et revenus. A compter du mariage et jusqu’au 31 décembre de l’année de ce dernier, la communauté disposera des revenus du couple.
La communauté pourrait même contenir des actifs qui étaient initialement propres et devenus communs par le biais d’une clause de mise en communauté.
L’option pour la déclaration séparée nécessite donc une maîtrise des règles fiscales afin de définir les éléments pris en compte dans la déclaration des désormais époux ou partenaires :
– gestion des revenus propres et communs
– gestion des déficits issus de biens propres et communs
– gestion des charges déductibles (montant et plafond), qu’elles soient financées par des deniers propres ou communs
– gestion du quotient familial et des demi-parts supplémentaires
– gestion de la décote
– gestion des réductions et crédits d’impôt selon que la dépense a été réalisée avant ou pendant le mariage
– gestion du paiement de l’impôt
Ces informations sont fournies par l’Administration fiscale dans le BOFiP au paragraphe 50 (BOI-IR-CHAMP-20-10)
II Foyer fiscal unique pour le couple et défiscalisation immobilière (Scellier, Duflot, etc.) : Application du plafond spécifique et du plafonnement global des niches fiscales
Pour traiter de cette question, on prendra ici un cas concret :
Les faits :
Deux concubins/célibataires (soumis donc à imposition séparée au titre de l’impôt sur le revenu) achètent chacun un bien d’une valeur de 200 000 € début 2013 dans le cadre du dispositif Duflot.
Ils se marient(ou se pacsent) courant 2013.
Les questions
Que va-t-il se passer lorsqu’ils déposeront une déclaration commune en 2014 (sur les revenus de 2013) ?
Le plafond des 300 000 € sera t-il applicable dès la première année ?
Le plafonnement des niches fiscales de 10 000€ sera t-il applicable lui aussi ?
Les solutions :
La réponse était connue dans le cadre du dispositif Scellier suite aux instructions publiées et reprises au BOFiP depuis le 12 septembre 2012.
S’agissant du dispositif Duflot, l’Administration a publié ses commentaires au BOFiP depuis le 30 juillet 2013. Ces commentaires font référence à ceux attachés au dispositif Scellier pour une large majorité des questions. Cependant sur certains points, la doctrine diverge pour l’application du dispositif Duflot.
a) Plafond portant sur le nombre maximum de logement(s) par an
(Pour rappel, le dispositif Scellier n’ouvre droit à réduction que dans la limite d’un seul logement par an et par foyer fiscal. Le dispositif Duflot porte ce plafond à 2 logements par an et par foyer)
La première question concernant le régime Scellier (et Duflot) porte sur le cumul des logements acquis avant le mariage ou le pacs par des ex-célibataire.
Dans le cadre du dispositif Scellier, la réponse est fournie dans le paragraphe 1 du BOI-IR-RICI-230-30-40.
« Lorsque deux contribuables ayant chacun acquis distinctement un logement au titre d’une même année d’imposition sont, postérieurement à cette acquisition, soumis à imposition commune du fait d’un mariage ou de la conclusion d’un PACS au titre de cette même année d’imposition (cas pouvant être rencontré dans le cadre de l’imposition des revenus antérieurs à l’année 2011), le nouveau foyer fiscal ainsi constitué continue de bénéficier de la réduction d’impôt au titre de chacune des acquisitions antérieures. Les réductions d’impôt dont bénéficie le nouveau foyer fiscal restent cependant prises en compte pour la détermination du plafonnement global des avantages fiscaux prévus à l’article 200-0 A du CGI (cf. III-B § 90). L’acquisition d’un logement éligible après le mariage ou un PACS ouvre également droit au bénéfice de l’avantage. »
Cette précision n’est malheureusement pas apportée dans les commentaires du dispositif Duflot. On gagera ici qu’il s’agit d’un simple oubli de la part de Bercy et que ce dernier sera réparé ultérieurement…
Cependant, en l’état actuel de la doctrine administrative, la solution relative au régime Scellier n’est pas transposable dans le dispositif Duflot.
b) Plafond portant sur le montant maximum servant de base à la réduction d’impôt
Le BOFiP traitant du dispositif Duflot étant évasif sur cette question, il est tentant se référer aux commentaires publiés dans le cadre du régime Scellier
Le BOFiP apporte les informations suivantes concernant le dispositif Scellier :
– « Lorsque l’investissement porte sur un logement, la base de la réduction d’impôt est constituée par le prix d’acquisition ou de revient global du logement. La base ainsi déterminée ne peut toutefois pas excéder la somme de 300 000 euros par logement et par an » (BOI-IR-RICI-230-30-10 § 60)
– « Lorsqu’au titre d’une même année d’imposition, un contribuable acquiert un logement et souscrit des parts de SCPI ouvrant droit à la réduction d’impôt, le montant des dépenses retenu pour la détermination de l’avantage fiscal ne peut excéder globalement 300 000 euros. » (BOI-IR-RICI-230-30-10 § 520)
On pourrait en tirer la conclusion que la réduction ne peut être calculée sur plus de 300 000 € d’investissement. Dès lors, deux concubins, ayant réalisé chacun la même année, un investissement de 200 000 € dans le cadre du dispositif Scellier, pourront prétendre une fois soumis à imposition commune à une réduction d’impôt sur les deux logements mais dans la limite de 300 000 € (et non 400 000 €).
Pour en avoir le cœur net, nous nous sommes rendus sur le site www.impots.gouv.fr et avons sollicité le calculateur…
Pour la détermination de l’impôt 2013 sur les revenus 2012, la réduction d’impôt est calculée sur 300 000 € alors que nous avons saisi 400 000 € dans la case 7HL.
S’agissant du dispositif Duflot, le BOFiP précise cependant:
– « Au titre d’une même année d’imposition, et pour un même contribuable, l’assiette de la réduction d’impôt, acquisitions ou constructions de logements et souscriptions de parts de SCPI confondues, ne peut excéder 300 000 € » (BOI-IR-RICI-360-30-10 § 1 al. 2)
S’agissant du cumul logement direct et SCPI, le BOFiP renvoie au dispositif Scellier.
Nous pouvons donc a priori en tirer la même conclusion: si le cumul des logements en nombre est possible, le cumul en montant investi reste plafonné à 300 000 € par foyer fiscal pour les investissements réalisés la même année !
c) Plafonnement des niches fiscales et imposition commune
Ce point n’est pas non plus spécifiquement abordé dans le BOFiP.
La lecture de ce dernier nous indique cependant :
– « L’avantage en impôt procuré à un foyer fiscal, quelle que soit sa composition, au titre d’une même année par certains avantages fiscaux est limité, à compter de l’imposition des revenus de 2013, à 10 000 €, majoré pour certains d’entre eux, à 18 000 €. » (BOI-IR-LIQ-20-20-10 § 10 al. 2)
– « Le plafonnement global est applicable aux contribuables, personnes physiques, imposables à l’impôt sur le revenu et qui bénéficient d’avantages fiscaux compris dans le champ d’application du dispositif. Par contribuable, on entend tout foyer fiscal au sens de l’article 6 du CGI, composé le cas échéant des conjoints ou partenaires d’un pacte civil de solidarité (PACS) soumis à imposition commune et des personnes rattachées de droit ou sur option. Dès lors que le plafonnement global est apprécié au niveau du contribuable, la qualité du bénéficiaire de l’avantage fiscal au sein du foyer fiscal n’a pas d’incidence. » (BOI-IR-LIQ-20-20-10-10 § 10).
En d’autres termes, le plafond est unique pour chaque foyer fiscal quelle qu’en soit sa composition. Le fait que deux concubins se marient (ou s’unissent par un PACS) conduit à la disparition de deux foyers fiscaux disposant chacun d’un plafond, et la création d’un nouveau foyer fiscal unique et d’un seul plafond.
Nous pouvons donc en tirer la conclusion que si deux investissements Duflot de 300 000 € réalisés en 2013 par deux concubins sont soumis chacun à un plafond de 10 000 €, l’imposition commune conduira au cumul des investissements sur un seul foyer dans la limite globale de 300 000 € (et non de 600 000 €) et la réduction d’impôt consommera le disponible de 10 000 € du plafonnement des niches fiscales (et non 20 000 €).
Conclusion
Si le mariage ou le PACS répondent avant tout à des attentes affectives et/ou d’ordre civil (protection du survivant ou du patrimoine de chacun), l’imposition commune qui en découle n’est pas sans incidences, notamment sur les investissements locatifs réalisés avant le mariage ou le PACS et continuant à procurer un avantage fiscal postérieurement.