ANALYSE PAR JACQUES DUHEM
CE, 8e et 3e ss-sect., 23 oct. 2013, n° 361233, m. B
Les plus-values réalisées lors de la cession de la résidence principale du cédant au jour de la cession sont exonérées (1° du II de l’article 150 U du CGI). Cette exonération s’applique également aux dépendances immédiates et nécessaires cédées simultanément avec cet immeuble (3° du II de l’article 150 U du CGI).
L’exonération est de caractère général. Elle est acquise lorsque les conditions sont remplies quels que puissent être les motifs de la cession, la nature de l’habitation, l’importance du prix de cession ou de la plus-value et l’affectation que l’acquéreur envisage de donner à l’immeuble.
La résidence principale doit s’entendre du lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année. Il s’agit d’une question de fait qu’il appartient à l’administration d’apprécier sous le contrôle du juge de l’impôt. Il doit s’agir de la résidence effective du contribuable. Une utilisation temporaire d’un logement ne peut être regardée comme suffisante pour que le logement ait le caractère d’une résidence principale susceptible de bénéficier de l’exonération. Lorsqu’un doute subsiste, le contribuable est tenu de prouver par tous moyens l’effectivité de la résidence.
Lors de la cession d’un immeuble, certains sont tentés de bénéficier de l’exonération prévue en cas de cession de résidence principale. Mais encore faudra–il démontrer que l’immeuble était bien affecté à cet usage.
Sur cette questions les contrôles fiscaux se multiplient.
La décision rendue récemment par le Conseil d’Etat est intéressante à plusieurs titres et démontre que vouloir bénéficier abusivement de l’exonération de plus-value en cas de cession d’une (fausse) résidence principale constitue un jeu qui peut couter cher !
Quels étaient les faits ?
Une personne a cédé en 2005, un appartement qu’elle avait acquis en 2001.
L’acte notarié de cession mentionnait que la plus-value réalisée était exonérée d’imposition en application du II de l’article 150 U du Code général des impôts.
L’Administration, vérifiant l’opération, a considéré que ce bien ne constituait pas la résidence principale de l’intéressé et a remis en cause l’exonération.
Quelle prescription ?
La haute cour confirme qu’en l’espèce, le droit de reprise de l’Administration pouvait s’exercer, s’agissant de l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value réalisée selon les dispositions de l’article L. 169 du même livre applicable à l’impôt sur le revenu, soit jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’impôt sur le revenu est dû.
Les motifs de fonds du rejet de l’exonération
Les juges confirment le rejet de l’exonération de la plus-value en soulignant :
– que l’adresse du domicile du contribuable figurait sur ses déclarations d’impôt sur le revenu des années 2003 à 2005 ;
– que la taxe d’habitation pour la même période avait été établie en mentionnant cette même adresse comme résidence principale;
– que les factures d’électricité produites ne permettaient pas d’établir que l’intéressé résidait à titre principal à cette adresse mais seulement que ce logement avait été occupé par intermittence;
– que les attestations et certificat de réexpédition de courrier fournies, ou la qualité de membre du conseil syndical de l’intéressé, ne sont pas de nature à démontrer qu’il y avait son domicile principal.
Pouvait-on invoquer la règle de la mention expresse ?
En outre, le contribuable entendait échapper aux sanctions en opposant la règle de la mention expresse.
Mais il est aussi jugé que la mention, dans un acte notarié, de la nature et du fondement de l’exonération d’imposition sur la plus-value de cession de la résidence principale dont prétend bénéficier le cédant en application du 1° du II de l’article 150 U du Code général des impôts, si elle répond aux prescriptions déclaratives de l’article 150 VG de ce code, ne constitue pas, à elle seule, en l’absence de tout élément précis et circonstancié sur les motifs de droit ou de fait qui justifient cette qualification, l’indication expresse portée sur la déclaration ou l’acte, exigée par les dispositions de l’article 1732 du même code.
Aux termes du I de l’article 1727 du Code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : « Toute somme, dont l’établissement ou le recouvrement incombe à la Direction générale des impôts, qui n’a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d’un intérêt de retard. À cet intérêt s’ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code » ; que l’article 1732 de ce code, dans sa rédaction alors applicable, ajoute que : « Lorsqu’un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l’acte, ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d’imposition en totalité ou en partie, ou donne à ces éléments une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées, les rectifications opérées à ces titres n’entraînent pas l’application de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 » ; que, selon le III de l’article 150 VG du même code : « Lorsque la plus-value est exonérée en application du II des articles 150 U et 150 UA (…), aucune déclaration ne doit être déposée sauf dans le cas où l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value en report d’imposition est dû. L’acte de cession soumis à la formalité fusionnée ou présenté à l’enregistrement précise, sous peine de refus de dépôt ou de la formalité d’enregistrement, la nature et le fondement de cette exonération ou de cette absence de taxation (…) » ;
Quelles sanctions ?
Enfin le Conseil d’Etat valide les pénalités de mauvaise foi appliquées par le fisc en soulignant que le requérant ne développait aucune critique utile permettant de remettre en cause les éléments de preuve de l’intention délibérée d’éluder l’impôt apportés par l’Administration.
NB
Dans une autre décision récente, la cour de Bordeaux a estimé que la preuve d’une occupation effective ne résultait pas des documents produits (certificats médicaux attestant des soins reçus par le contribuable dans la ville, attestations de voisinage et attestation de mise à disposition d’un véhicule pour effectuer le déménagement), alors que la consommation d’eau a été réduite et qu’aucune facture d’électricité n’avait été fournie. (CAA Bordeaux 4 octobre 2012 n° 11BX00432, 4e ch., Pina)