Analyse par STEPHANE PILLEYRE et JACQUES DUHEM

 

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La loi finances pour 2014 est venue entériner la réforme des plus-values immobilières (initiée par un BOFiP). Le rythme des abattements pour durée de détention en cas de cession de biens autres que des terrains à bâtir a été modifié. Cette réforme est venue compléter celle adoptée il y a un peu plus d’un an et qui avait donné le jour à la surtaxe touchant les plus-values élevées. (Cette surtaxe se déclenche à partir de 50 000 € de plus-values et son taux peut atteindre 6%, à partir de 260 000 € de plus-value)

Ces dispositions ont fait l’objet de commentaires de la part de l’Administration fiscale. Cette dernière a publié deux instructions les 6 et 9 août 2013.

 

Suite à l’analyse de ces commentaires, il nous est apparu intéressant de vous proposer une newsletter traitant de l’impact de ces réformes sur les transmissions relatives à des sociétés de personnes à prépondérance immobilière et plus particulièrement des sociétés civiles immobilières (SCI).

 

Lorsqu’un immeuble est détenu au travers d’une SCI, deux schémas de transmission sont envisageables :

– La cession de l’immeuble inscrit à l’actif par la SCI ;

– La cession des parts sociales par les associés.

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Dans l’une comme dans l’autre de ces possibilités, le régime fiscal applicable est celui des plus-values immobilières des particuliers. Toutefois, si ce régime est identique, les éléments à prendre en compte pour déterminer et imposer la plus-value diffèrent selon que la cession porte sur l’actif ou les parts sociales.

 

C’est pourquoi le BOFiP distingue la cession de biens immobiliers (BOI-RFPI-PVI), de la cession de parts de sociétés à prépondérance immobilière (BOI-RFPI-SPI).

 

Nous vous proposons d’analyser en détails les modalités d’application de la nouvelle réforme dans cette situation particulière.

 

A. Plus-value brute

 

La plus-value brute résulte de la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition majoré des frais d’acquisition et des travaux. Cette étape de détermination de la plus-value d’apparence maîtrisée par la plupart des praticiens doit cependant être précisée sur certains aspects.

 

1. Prix d’acquisition réévalué en cas de cession des parts sociales

 

S’il est aisé de déterminer le prix d’acquisition du bien cédé par la SCI (prix d’acquisition ou valeur d’apport selon le cas), il en va différemment pour les parts sociales.

 

En effet, ce prix est généralement égal au montant de l’apport réalisé lors de la création de la société (apport faible si la société civile a recours à l’emprunt pour acquérir son ou ses actifs).

 

Dans cette situation, il est important de rappeler le principe de l’arrêt QUEMENER (arrêt n°133296 du 16 février 2000) repris au BOFiP (BOI-RFPI-SPI-20 §30) qui permet de réévaluer le prix d’acquisition des parts sociales.

Cet arrêt appliqué initialement sur une société de personnes ayant une activité commerciale a été étendu aux plus-values immobilières en cas de cession de parts d’une société à prépondérance immobilière.

 

Ainsi, il est possible de réévaluer le prix d’acquisition desdites parts à hauteur du bénéfice imposé et non distribué.

 

Pour bien comprendre ce principe, prenons l’exemple d’une SCI (constituée avec un capital faible) qui acquiert un bien locatif par le biais d’un prêt bancaire amortissable. Elle déduit chaque année des loyers encaissés, les charges ainsi que les intérêts d’emprunt (intérêts dégressifs au fil du temps). Dans une telle situation, il est probable que les intérêts déduits soient inférieurs aux loyers nets encaissés, faisant ainsi apparaître un revenu foncier croissant imposable entre les mains des associés. Cependant, en terme de trésorerie, la société décaisse des échéances (composées de capital et d’intérêts) plus importantes que le loyer. Compte tenu de cette trésorerie négative, la SCI n’a pu mettre en distribution le revenu foncier.

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La solution retenue dans l’arrêt Quemener permet de réévaluer le prix d’acquisition des parts sociales à hauteur de ce résultat imposé et non distribué.

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La prise en compte de cette jurisprudence peut avoir un effet important sur la plus-value brute, notamment si la société a été créée avec un petit capital (donc un prix d’acquisition très faible).

 

Il est à noter que cette réévaluation sera difficile à justifier en l’absence d’une comptabilité et d’un suivi juridique (rédaction des procès-verbaux d’affectation du résultat).

 

Notons que pour les contrôles fiscaux à compter de 2014, il est obligatoire de présenter à l’Administration les documents comptables sous forme dématérialisée. Ces commentaires publiés le 13 décembre 2013, nous précisent que :

> BOI-CF-IOR-60-40-10 §20 al. 3 :

« Sont ainsi concernés les contribuables imposés à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) et des bénéfices agricoles (BA) selon un régime réel. »

 

> BOI-CF-IOR-60-40-10 §50 :

« Le I de l’article L. 47 A du LPF, dans sa rédaction issue de l’article 14 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, s’applique aux contribuables :

– tenant leur comptabilité au moyen de systèmes informatisés ;

– soumis par le code général des impôts (CGI) à l’obligation de tenir et de présenter des documents comptables ;

– et qui font l’objet d’une vérification de comptabilité. »

 

A  priori, ne semblent pas ici concernées, les sociétés civiles relevant du régime des sociétés de personnes et dont les revenus sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers.

 

2. Frais d’acquisition

 

S’agissant des frais d’acquisition, il doivent être retenus pour leur montant réel. Toutefois, à titre dérogatoire, il est possible d’opter pour une majoration forfaitaire égale à 7,5% du prix d’acquisition.

Cette majoration forfaitaire n’est pas possible en cas de cession de parts de société à prépondérance immobilière (BOI-RFPI-SPI-20 §20 al.2).

Cette précision est d’importance dans l’étude qui nous intéresse car l’application du forfait ne sera possible que si la cession porte sur un actif acheté par la SCI.

 

3. Travaux

 

Les travaux sont également déductibles pour leur montant réel et sous certaines conditions. Adéfaut il est possible d’opter pour une déduction forfaitaire égale à 15% du prix d’acquisition dès lors que le bien cédé est détenu depuis au moins cinq ans.

S’il est possible de bénéficier de cette majoration forfaitaire du prix d’acquisition lorsque la cession porte sur l’immeuble acquis par la SCI, il n’est pas possible d’en profiter en cas de vente des parts sociales. En effet, le BOFiP limite le bénéfice de ce forfait aux cessions d’immeubles bâtis, excluant du champ des 15% de majoration, les terrains à bâtir et les parts de SCI (BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20 §360).

 

B. Abattements pour durée de détention

 

1. De nouveaux abattements

 

L’article 150 VC du CGI, ainsi que l’article L136-7 VI. 2. du Code de la sécurité sociale ont été modifiés afin d’appliquer un rythme d’abattement pour durée de détention différent pour la base de l’impôt sur le revenu (19%) et la base des prélèvements sociaux (15,5%).

 

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Attention : Ces abattements ne sont pas applicables aux plus-values réalisés lors de cessions de terrains à bâtir. Pour cette situation, le taux d’abattement reste identique à celui introduit par la loi de finances rectificative pour 2011. Ce traitement différencié a été rappelé par le rescrit n°2014/01 du 09 janvier 2014 publié au BOFiP (BOI-RFPI-PVI-20-20 §154).

 

Il faudra attendre 30 ans de détention pour bénéficier d’une exonération totale d’impôt et de prélèvements sociaux.

 

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NOTA : Un point n’est pas développé dans les commentaires de l’Administration : quel abattement doit-on appliquer en cas de cession de parts d’une société civile détentrice notamment de terrains à bâtir ? Doit-on appliquer le barème des terrains à bâtir comme il a été rappelé par ledit rescrit ou peut-on bénéficier des abattements applicables aux cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière ? Une mise à jour du BOFiP ou un rescrit viendra très probablement nous apporter des précisions sur ce point.

 

2. Des durées de détention différentes

 

Pour revenir au sujet qui nous intéresse (la cession de l’actif ou des parts sociales), il convient de rappeler que le délai de détention n’est pas forcément le même pour chacune des hypothèses. En effet, nous pouvons être dans la situation d’une SCI créée depuis 20 ans qui cède un actif acquis il y a 8 ans. Dans ce cas, la durée de détention ne sera pas identique selon que l’on cède l’actif ou les parts sociales.

 

C. Abattement exceptionnel de 25%

 

Le III de l’article 27 de la loi de finances pour 2014 prévoit l’application d’un abattement de 25% sur la plus-value nette (après déduction des abattements pour durée de détention).

 

Les modalités d’application de cet abattement sont précisées par l’Administration fiscale dans le BOFiP sous la référence : BOI-RFPI-PVI-20-20 §270 à 330.

 

Cet abattement s’applique sur les cessions de biens autres que terrains à bâtir (ou droits portant sur ces biens). Est également exclue de ce dispositif, la cession de parts de société de personnes à prépondérance immobilière définie à l’article 150 UB du CGI.

L’abattement exceptionnel peut s’appliquer lorsque la cession porte sur l’actif détenu par la SCI, en revanche, il n’est pas possible d’en bénéficier en cas de vente des parts sociales par les associés

 

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D. Surtaxe

 

1. Champ d’application

 

La surtaxe est régie par l’article 1609 nonies G du CGI, lui-même commenté dans le BOFiP sous la référence BOI-RFPI-TPVIE.

Cette surtaxe s’applique sur les cessions de biens autres que les terrains à bâtir, elle s’applique donc tant sur la cession de biens immobiliers bâtis que sur la cession de parts de société de personnes à prépondérance immobilière.

 

Dans le cadre de détermination de la plus-value imposable, il y a deux plus-values à calculer : celle servant de base à l’impôt sur le revenu de 19% et celle servant de base aux prélèvements sociaux à 15,5%. Le rythme des abattements étant différent, la base imposable à l’impôt sera toujours plus faible que celle taxable au titre des prélèvements sociaux.

 

On peut alors s’interroger sur la base de la surtaxe. S’agit-il de la base retenue pour le calcul de l’impôt sur le revenu ou celle servant à calculer les prélèvements sociaux ?

A la lecture du CGI, on pouvait craindre que la seconde soit à retenir[1].

 

La réponse nous a été donnée par le BOFiP (BOI-RFPI-TPVIE-20 §10) : « La taxe sur les plus-values immobilières élevées, codifiée sous l’article 1609 nonies G du code général des impôts (CGI), est assise sur les plus-values immobilières imposables à l’impôt sur le revenu ou soumises au prélèvement prévu à l’article 244 bis A du CGI. »

 

2. Barème

 

La surtaxe s’appliquera donc à toute plus-value immobilière, diminuée de l’abattement pour durée de détention (base IR) et de l’abattement exceptionnel de 25%, dont le montant est supérieur (strictement) à 50 000 €.

 

Pour rappel le barème de la surtaxe est le suivant :

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3. Application à la SCI

 

Dans le cadre d’une SCI, la question sera de savoir comment appréhender cette surtaxe en cas de cession de l’actif par la société ou des parts sociales par les associés. La réponse nous a été donnée une nouvelle fois par le BOFiP.

 

a. En cas de cession de l’actif par la SCI (BOI-RFPI-TPVIE-20 §60) :

 

« La taxe est due par la personne morale qui réalise une plus-value soumise à l’impôt sur le revenu d’un montant supérieur à 50 000 €. Le seuil de 50 000 € s’appréciant au niveau du cédant dans cette hypothèse, il doit être apprécié au niveau de la personne morale et non au niveau de chaque associé. »

 

En d’autres termes, le seuil  de 50 000 € s’analyse au niveau de la SCI (quel que soit le nombre d’associés).

 

Exemple 1 :

 

Une SCI détenue par 5 associés (personnes physiques) égalitaires cède un actif sur lequel la plus-value nette imposable est de 250 000 €

 

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Le BOFiP nous apporte une précision supplémentaire :

« Toutefois, il est admis que le seuil de 50 000 € soit apprécié au regard du montant de la plus-value imposable correspondant aux droits des seuls associés redevables de l’impôt sur le revenu.

Dès lors, il n’est pas tenu compte pour l’appréciation du seuil de 50 000 € :

– de la quote-part de plus-value revenant à des associés soumis à l’impôt sur les sociétés ;

– de la quote-part de la plus-value revenant à des associés personnes physiques bénéficiant d’une exonération liée à la cession de la résidence principale ou à la cession d’un logement en vue de l’acquisition de celle-ci, dans les conditions exposées au IV-C § 280 à 300 du BOI-RFPI-TPVIE-10. »

La base sera donc diminuée à hauteur de la quote-part de capital social détenu :

– par les associés personnes morales assujettis à l’IS

– ou par les associés occupant l’actif cédé au titre de résidence principale.

 

b. En cas de cession des parts sociales par les associés (BOI-RFPI-TPVIE-20 §30 à 50) :

 

Le seuil de 50 000 € doit être apprécié au niveau du cédant. Il y aura donc une appréciation au niveau de chaque associé soumis au régime de la plus-value immobilière des particuliers (sont notamment exclus les associés personnes morales assujetties à l’IS).

 

Exemple 2 :

 

5 associés (personnes physiques) égalitaires cèdent leurs parts sociales d’une SCI. La plus-value nette imposable est de 250 000 € sur l’ensemble des parts sociales. La base de la surtaxe s’analyse au niveau de chaque associé.

 

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Mais la situation « matrimoniale » du cédant doit être prise en compte. En effet, dans le paragraphe 40 du BOFiP mentionné précédemment, la doctrine nous permet de bénéficier d’un traitement de faveur lorsque l’actif cédé est un bien commun. L’Administration fiscale nous explique dans ce cas que le seuil de 50 000 € s’apprécie au niveau de chaque époux et non du foyer fiscal (IR).

 

En cas de cessions d’actifs communs, le seuil d’exigibilité de la surtaxe se situe donc à 100 000 € de plus-value nette imposable.

 

Nous pouvons nous interroger sur l’application de cette précision doctrinale sur les biens communs lorsque la cession porte des parts sociales. En effet, dans le cadre des parts sociales, il faut distinguer le titre de la finance. Si les parts sociales sont communes, un seul des époux peut avoir la qualité d’associé… Dans une telle situation, l’appréciation de base de la surtaxe doit-elle tenir compte du titre (un seul époux associé) ou de la finance (parts communes) ? Ce point n’est pas traité dans la doctrine fiscale, il s’agit d’un blanc qui sera lui aussi comblé (espérons-le) par une mise à jour du BOFiP ou un rescrit…

 

E.  Application pratique

 

Compte tenu de tous ces éléments, est-il préférable de céder l’actif ou les parts sociales ?

 

Un premier tableau de synthèse nous permettra de constater les points communs et les différences de traitement fiscal de chacune des hypothèses :

 

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Nous pouvons nous interroger sur la solution la plus favorable fiscalement (cession des parts ou de l’actif) ?

 

Approfondissons notre analyse par une application chiffrée en prenant des hypothèses communes sur la plus-value brute (900 000 €) et la durée de détention (15 ans). Nous supposerons ensuite qu’il y a 2 associés personnes physiques égalitaires dans la société civile :

 

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Nous pouvons le constater, dans cette hypothèse :

– la surtaxe est plus faible en cas de cession des parts (180 000 € de plus-value nette imposable par associé, donc taxation à 4%, au lieu d’une taxation à 6% en cas de cession de l’actif par la SCI avec une plus-value de 270 000 €)

– le montant de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux est plus faible en cas de cession de l’actif (en raison de l’abattement exceptionnel de 25% applicable uniquement dans ce cas)

– la cession de l’immeuble est moins couteuse fiscalement que la cession des parts (car l’économie sur la surtaxe est insuffisante pour compenser l’imposition plus importante à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux).

 

Nous pouvons faire varier les hypothèses à l’infini :

– plus-value brute différente

– durée de détention différente

– nombre d’associés différent

 

Il faudra donc avant chaque arbitrage réaliser des calculs précis.

 

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:[1] Art. 1609 nonies G : « II.-La taxe est assise sur le montant imposable des plus-values déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, aux articles 150 V à 150 VD ou au II de l’article 244 bis A. »

 

Plus-values immobilières;Surtaxe;Abattement pour durée de détention;SCI -