Analyse par JEAN PASCAL RICHAUD

 

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Le contexte :

Deux personnes vivant en couple, achètent en tontine un actif immobilier participant de leur cadre de vie. Le couple se sépare. M. occupe seul, après leur rupture, l’actif immobilier en question. Est-il redevable d’une indemnité d’occupation sur le fondement de l’article 815-9 du Code civil ?

 

Question patrimoniale :

Pour répondre à cette question, il est pertinent de savoir si l’on peut trouver de l’indivision dans la tontine ? La question peut, j’en conviens, surprendre ! Et pourtant….

 

Position de la Cour de cassation :

La Cour de cassation, 1ère chambre civile, a déjà répondu à cette question, le 9 nov. 2011, n°10-21710, par l’affirmative.

La Cour de cassation, 3ème  chambre civile, dans un arrêt publié au bulletin, en date du 17 décembre 2013, n°12-15453, adopte la même position que la 1ère chambre civile.

Extrait de l’attendu au visa de l’article 815-9 du Code civil !
(…)
Vu l’article 815-9 du code civil, et les règles régissant la clause d’accroissement ;

Attendu que l’achat en commun d’un bien immobilier avec clause d’accroissement est exclusif de l’indivision ; que toutefois, il confère aux parties des droits concurrents de jouissance indivise sur le bien tant que la condition de prédécès d’un des acquéreurs ne s’est pas réalisée ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 12 mai 2011), que Mme X… et M. Y… ont acquis ensemble un bien immobilier par un acte authentique du 27 mai 1982 comportant une clause d’accroissement, prévoyant que le bien appartiendrait en totalité au dernier survivant des deux acquéreurs ; que, le couple s’étant ensuite séparé et M. Y… ayant continué à occuper seul la maison, Mme X… l’a assigné en paiement d’une indemnité d’occupation ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt énonce que l’organisation des droits de jouissance indivise dont disposent les parties n’ayant pas été demandée à un juge, Mme X… ne peut prétendre à une indemnité pour l’occupation par M. Y… de l’immeuble en cause ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’une indemnité d’occupation est due à la partie co titulaire du droit de jouissance par celle qui a la jouissance exclusive du bien, la cour d’appel a violé le texte et les principes susvisés ; »

(…)

 

C’est clair ! La Cour suprême indique, à nouveau, dans l’arrêt de 2013 comme dans celui de 1991, qu’il existe une « indivision » entre des tontiniers, non pas en propriété mais seulement en jouissance (V. Cass 1ère civ., 9 nov. 2011, n°10-21710 FS-P+B+I) !

 

 

Observation(s), remarque(s) pratique(s) :

 

On conservera dans notre mémoire utile :

–       Qu’une indivision peut exister au sein de la tontine, non pas en propriété mais en jouissance seulement. C’est ce que vient à nouveau d’affirmer la Cour de cassation dans son arrêt sous analyse du 17 décembre 2013, venant conforter la prise de position de la 1ère chambre le  9 nov. 2011 précité, confirmant ainsi sa jurisprudence du 9 février 1994 (n°92-11111)  où elle a indiqué que le juge pouvait organiser une telle indivision (en jouissance)  à défaut d’accord des parties sur ce point.

 

–       Que relativement à un bien acheté en tontine par deux acquéreurs : celui des deux qui occupe seul le bien doit une indemnité à l’autre (encore une différence avec l’indivision où l’indemnité est due à l’indivision !) sur le fondement de l’article 815-9 du Code civil et du régime juridique légal et jurisprudentiel en découlant…

 

Que l’on soit convaincu ou non de la pertinence de la solution (cf. la doctrine), en l’état actuel du droit positif et pour les praticiens, c’est la leçon qu’il serait bon de retenir des arrêts des 17 déc. 2013 et 9 novembre 2011.

Qu’on se le dise !

 

Pour aller plus loin. Le coin des chercheurs

JCP N, n°43 du 25 oct. 2013, 1250 : « Tontine et aspects liquidatifs », par Vivien Zalewski-Sicard ;

Defrénois, n°7 du 15 avril 2012, 40457 : « Clause d’accroissement et indivision ou le jeu du chat et de la souris » par Nicolas Leblond ;

V. Dr. famille janv. 2012, comm. 10, note B. Beignier et Dr. famille mars 2012, comm. 49, note A-S Brun-Wauthier ;

V. JCP N 2012, n°10, 1123 note par A. Leveneur.

 

Tontine;Indivision;Indemnité d'occupation -