I. Une rémunération encadrée en 2018 dans le cadre d’année blanche
2018 a été qualifiée fiscalement par le gouvernement et les médias « d’année blanche ». Il est probablement plus judicieux de parler « d’année à revenus blancs ». En effet, l’entrée en vigueur du prélèvement à la source en 2019 ne doit pas conduire à taxer les revenus perçus en 2018 dès lors qu’il feront l’objet d’une retenue à la source ou d’un acompte au titre du P.A.S.
Ainsi, les traitements et salaires, pensions et retraites, rémunération de gérance majoritaire, les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices non commerciaux, les bénéfices agricoles, les revenus fonciers, les pensions alimentaires, les rentes sont des revenus considérés comme « blancs ». Perçus en 2018, il ne génèreront en principe aucune imposition en 2019…
L’exonération est de principe, mais pas systématique. En effet, des clauses anti-abus sont venues limiter les effets d’aubaine notamment pour les dirigeants ayant toute latitude pour fixer leur rémunération (ou bénéfices professionnels).
S’agissant du CIMR, venant annuler l’imposition des revenus « blancs », la loi de finances pour 2017 dispose :
« E. – 1. Le montant net imposable des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux […] est retenu […] retenu dans la limite du plus faible des deux montants suivants :
1° Le bénéfice imposable au titre de l’année 2018
2° Le plus élevé des bénéfices imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017 »
« F. – 1. Les montants nets imposables suivant les règles applicables aux salaires […] sont retenus dans la limite du plus faible des deux montants suivants :
1° Leur montant net imposable au titre de l’année 2018 ;
2° Le plus élevé de ces revenus imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017. »
Le dirigeant ne peut bénéficier d’une rémunération blanche en 2018 (ou d’un bénéfice blanc) que dans la limite de la meilleure rémunération au titre des trois années antérieures.
Remarque :
Ce plafonnement de la rémunération « blanche » concerne le dirigeant, mais également les rémunérations perçues par les conjoints, ascendants, descendants ou frères et sœurs du dirigeant qui contrôle la société.
II. Un complément de rémunération considéré comme exceptionnel taxée au taux moyen
La mécanique du CIMR est relativement complexe. De manière très simplifiée, on peut dire le CIMR gomme l’imposition des revenus 2018 dans la limite des revenus non exceptionnels.
Prenons un exemple :
Un couple déclare au titre de 2018, 100 000 € de revenu net imposable dont :
- 80 000 € de revenus ordinaires
- 20 000 € de revenus exceptionnels
Sur la base du barème 2018 (traitant des revenus de 2017), l’impôt pour ce couple sans enfant à charge est de 18 587 €.
Le CIMR est alors égal à l’impôt brut (avant réduction et crédit d’impôt) multiplié par le rapport entre les revenus ordinaires et la somme des revenus imposables (ordinaires + exceptionnels) soit :
18 587 € x 80 000 € / 100 000 € = 14 870 €
L’impôt sur les revenus exceptionnels de 2018 est donc de 18 587 € – 14 870 € = 3 717 €.
Cet impôt sera dû en septembre 2019 après la déclaration faite en mai 2019 et réception de l’avis d’imposition fin août 2019.
3 717 € d’impôt sur le revenu pour 20 000 € de revenus exceptionnels (net imposables), représente un taux d’imposition de 18,59%. Cela correspond au taux moyen d’imposition du foyer fiscal en intégrant les revenus exceptionnels (18 587 € / 100 000 € = 18,587%).
Si les revenus exceptionnels avaient été de 80 000 €, le revenu imposable aurait été de 160 000 €, l’impôt sur le revenu de 38 211 € soit un taux moyen d’imposition de 23,88%.
Le CIMR aurait été de 38 211 € x 80 000 € (revenus ordinaires) / 160 000 € (total des revenus imposables) soit 19 105 €.
L’impôt sur les 80 000 € de revenus exceptionnels serait de 19 105 € soit un taux d’imposition de 23,88%, CQFD.
III. Une aubaine fiscale qui ne doit pas occulter le risque de rémunération excessive
Fort de ce constat, certains dirigeant pourraient être tentés d’avoir la main lourde en 2018 sur leur rémunération. Mais attention aux excès !
En effet, le 1° du 1. de l’article 39 du Code général des impôts dispose :
« Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu. Cette disposition s’applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. »
Il apparaît donc qu’une hausse de la rémunération du dirigeant doit être justifiée par :
- Un travail effectif
- Une proportionnalité avec le service rendu.
Il va donc falloir être vigilant dans les montants et surtout pour la rédaction des PV d’AG qui vont accorder cette augmentation.
A titre d’exemple, dans un arrêt du 28 septembre 2017, la Cour Administrative d’appel de Nantes a jugé que la rémunération qui peut se justifier par un taux de marge élevé :
« M. A…assumait seul l’ensemble des fonctions de direction administrative, financière et commerciale de la société et y jouait ainsi un rôle prépondérant ; que le faible nombre de salariés des deux sociétés et les caractéristiques de leurs postes sont de nature à corroborer un tel rôle ; qu’elle fait également valoir, sans être précisément contredite, que son chiffre d’affaires a augmenté de 185 % au cours des exercices couvrant les années 2004 à 2008, et qu’elle avait la particularité d’assurer une fonction de stockage de nombreuses pièces à l’inverse des autres sociétés du secteur et était un fournisseur privilégié du secteur aéronautique tant civil que militaire ; qu’ainsi les données internes de l’entreprise ne permettaient pas de regarder à elles seules comme excessives les rémunérations en cause ; que les comparables n’apparaissent pas suffisamment pertinents pour qu’il puisse en être dégagé une moyenne de rémunération seule admissible en déductibilité dès lors que le nombre de salariés de ces entreprises est compris entre 16 et 68 en 2007 et 14 à 66 en 2008, hors de proportion avec la petite structure que constitue la société, même agrégée à la société holding, que les résultats d’exploitation y sont très nettement inférieurs en valeur absolue à l’exception de l’une d’entre elles, qui a un résultat comparable mais qui comprend six fois plus de salariés et que le ratio résultat d’exploitation / chiffre d’affaires, y est toujours nettement inférieur et même négatif dans trois cas, sous réserve de la même exception ; qu’il résulte de l’ensemble de ces données internes, non remises en cause par les données externes, que la société est fondée à soutenir que l’administration a regardé à tort les rémunérations versées à son dirigeant comme excessives »