Dans notre précédente newsletter, nous avons commenté la décision Rastier rendue par le Conseil d’Etat en octobre 2011. (12 octobre 2011 – n° 324717, 3e et 8e ss)
La plus-value réalisée et objet du litige portait sur des titres dont la propriété avait été démembrée lors de la donation-partage.
A l’occasion du rejet d’un des moyens soulevés par le requérants, le Commissaire du gouvernement, a réalisé une synthèse de la fiscalité applicable lors de la réalisation d’une plus-value portant sur des titres dont la propriété est démembrée.
Cette analyse confirme d’une part, la position adoptée en 2001 par l’administration dans le cadre du BOI 5 C 1 01 (commentant les dispositions de la loi de finances pour 2000) et d’autre part la jurisprudence rendue à propos de la législation antérieure à 2000.
Lorsqu’il est procédé à la cession de droits détenus sur des titres dont la propriété est démembrée, en effet, la jurisprudence distingue entre deux cas de figure :
a) Hypothèse de la cession simultanée de la nue-propriété et de l’usufruit
Le nu-propriétaire et l’usufruitier procèdent simultanément à la cession de leurs droits démembrés pour un prix global. La jurisprudence judiciaire est alors en ce sens que le produit de la cession est réparti entre les intéressés, de la même manière que la plus-value imposable dégagée par l’opération (Cass. 1e civ. 20 octobre 1987 n° 86-13.197 (n° 1112) : Bull. civ. I n° 276 – ces principes ont été inscrits à l’article 621 du Code civil par la loi 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités).
Cette analyse a été appliquée dans une décision du 30 décembre 2009 (n° 307165, Leblanc)
précisant que l’usufruitier était, dans une telle hypothèse, imposable sur une partie de la plus-value réalisée.
b) Hypothèses du remploi du produit de la cession de la nue-propriété et de l’usufruit
Par une ancienne décision du 28 octobre 1966 (CE 28 octobre 1966 n° 68280) : Dupont p. 535), il a été jugé que la plus-value réalisée était imposable exclusivement entre les mains du nu-propriétaire des titres, quand bien même il n’aurait pas pu, compte tenu du remploi, appréhender la moindre part du produit résulté de la cession (v. dans le même sens TA Melun 18 novembre 2004 n° 03-1068, Granberg – Dorigo)
Selon le Commissaire du gouvernement, la jurisprudence de 1966, est toujours valable, même si la loi régissant l’imposition des plus-values sur titres a été modifiée le premier janvier 2000 :
Certes, les dispositions de l’article 160 du CGI, à partir desquelles cette jurisprudence a été élaborée, ont été remplacées par celles des articles 150-0 A et suivants du même Code, qui sont applicables aux plus-values réalisées, telle que celle de l’espèce, à compter du 1er janvier 2000. Mais ces nouveaux articles n’ont à notre avis introduit aucune modification qui devrait conduire à remettre en cause votre ancienne solution. Cette dernière, en effet, repose sur l’idée, toujours pertinente à nos yeux, que l’usufruitier est assujetti aux impôts liés à la jouissance d’un bien et le nu-propriétaire redevable de ceux résultant de leur détention. Il en résulte qu’en cas de cession d’un bien en pleine propriété, le gain en capital ne peut être taxé qu’entre les mains du nu-propriétaire qui s’est engagé auprès de l’usufruitier à remployer ce gain et à lui garantir la jouissance des fruits de ce remploi.
Il nous semble donc que votre jurisprudence de 1966 peut être appliquée aux plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2000.